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soit, mais encore moins une vaste entreprise d’ennui mutuel entre pédagogues. Quand un trait grave une idée, il n’y a pas à bouder contre ce trait. La vieille phraséologie historique est haïssable : les formules pompeuses, vagues, conventionnelles, ne sauraient trop être proscrites. Nul ne regrettera que Jacques Bonhomme ne lève plus l’étendard de la révolte, que Clodion ne monte plus sur le trône de ses pères, que le Parlement ne brandisse plus le glaive de la loi, qu’Anne d’Autriche ne confie plus à Mazarin les rênes de l’Etat, que Condé ne moissonne plus de lauriers sur le champ de bataille de Rocroi. Mais il y a bien d’autres façons d’être plat et banal, et il n’y en a qu’une en somme de ne pas l’être, c’est d’avoir du talent, non pas le talent de broder, mais celui de coudre après avoir taillé.

On peut se permettre de faire même des portraits quand on les burine comme celui-ci, de Louis XIV vieillissant :

Sous le regard de tous, il garde son même visage tranquille. Il est toujours plus « poli, » plus « avenant » que personne : il a toujours ce « charme de la parole et de la voix » qui était une séduction si grande. Pourtant, il commence à beaucoup changer. Dans l’intimité, il est souvent triste et de mauvaise humeur. Sur son visage, plus grave et même morose, l’expérience de la vie, une expérience si riche, a creusé le sillon du dédain. Et déjà plus d’un avertissement le fait souvenir de sa mortalité. Ses dents sont tombées, sa mâchoire est cariée ? ses lèvres rentrent, ses joues pendent. Il souffre de coliques et de ballonnemens. Bientôt viendra la grande crise de la « fistule. » Tout le corps s’est alourdi. Mais, la grâce évanouie, demeure la majesté, pour durer jusqu’au bout, et grandir et devenir superbe dans les tristesses et la ruine, qui approchent. (Tome VII, vol. 2, page 412.)

Les « méthodistes » condamneraient ce « couplet » : « les « portraits » de personnages, dit M. Seignobos, regardés jadis comme une des formes de l’art historique, ne peuvent plus guère prétendre à une place dans l’histoire scientifique. » En ce cas, Dieu nous garde de l’histoire scientifique et des professeurs de méthode historique.

Et que dire aussi de la conclusion d’ensemble sur le règne du grand Roi, pleine d’une noble et pénétrante mélancolie ?

A la raison qui découvre « le fond destructif » de ce règne, l’imagination résiste, séduite par « l’écorce brillante. » Elle se plaît au souvenir de cet homme, qui ne fut point un méchant homme, qui eut des qualités, même des vertus, de la beauté, de la grâce, et le don de si bien dire ; qui, au moment où brilla la France, la représenta brillamment, et refusa d’en confesser « l’accablement » lorsqu’elle fut accablée ; qui soutint son grand rôle, depuis