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Lavisse et ses collaborateurs. Lorsqu’on est tenté à première vue de leur reprocher une omission, il suffit de réfléchir un moment pour en pénétrer le plus souvent les raisons. Par esprit critique, ils ont écarté tout ce qui n’en a pas paru suffisamment imprégné, tout ce qui n’a pas une valeur scientifique indiscutable. Il semble même que, dans les cas douteux, ils ont mieux aimé pécher par sévérité que par complaisance. Au total, le lecteur curieux ou spécialement intéressé est mis en état de contrôler, de pousser plus loin ; les autres se sentent eu confiance, sur un terrain sûr. Quiconque voudra étudier un point particulier saura d’où partir, quiconque voudra simplement savoir où l’on en est sur n’importe quel sujet sera fixé. Ce n’est pas rien que d’avoir mis entre les mains de tous un fil conducteur à travers le labyrinthe actuel des docks de l’histoire.

Mais il ne suffit pas d’aider le lecteur à apprendre, il aime aussi qu’on l’aide à comprendre. Pour tout dire, il ne lui déplaît pas qu’on se donne du mal pour lui en épargner. Même s’il tient à juger par lui-même, il ne lui est pas indifférent de savoir ce que pense de telle ou telle question, après l’avoir étudiée, un homme renseigné, réfléchi, de haute culture générale. « Ce n’est plus de l’histoire, » disent les farouches gardiens de la méthode orthodoxe. Si vous voulez, mais personne n’est trompé. L’historien ne donne pas ses jugemens et appréciations comme investis de la même certitude que les faits sur lesquels il les appuie. Il les donne comme étant de lui, sans autre autorité que celle qu’on voudra bien lui reconnaître. Quoi de plus loyal, de plus honnête, de plus scientifique même ? Les savans en font autant, dès qu’ils publient autre chose que le résultat brut de leurs expériences ou de leurs calculs. On a bien le droit, quand on a suivi avec une sagace attention le drame à cent actes divers que constitue l’histoire de l’humanité, d’avoir au moins des « impressions de théâtre. »

Ce droit, l’histoire de M. Lavisse en use sobrement, mais elle en use, et il serait dommage qu’elle se le fût refusé. Elle contient grâce à cela des pages qui dès maintenant sont classiques ou destinées à le devenir. Tout le jugement d’ensemble sur le règne de Louis XIV est guetté par les anthologies. Il faut plaindre ceux qui ne voient dans de tels passages que de la « littérature. »

L’histoire ne doit pas être un vain amusement d’amateurs,