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Street près de deux cent mille francs, mais pas un sou pour le chef d’orchestre, les acteurs principaux, le peintre décorateur, etc., etc. »

N’entrevoyant guère d’autre ressource, le « chef d’orchestre » s’occupe avec ardeur, dès le début de l’année 1848, de préparer l’audition de ses œuvres. La date du 7 février est convenue pour le premier concert. Le 16 janvier, Berlioz écrit à Vigny pour le prier de le seconder dans son entreprise en lui procurant l’accès près du comte d’Orsay. Sa lettre, à tous égards, mérite d’être citée :

« Mon cher de Vigny, je vais jouer ici dans trois semaines une partie très sérieuse et d’où dépend peut-être tout mon avenir en Angleterre. Je donne mon premier concert à Drury-Lane le 7 février prochain. Je crois que vous connaissez beaucoup le comte d’Orsay, il pourrait m’être d’une grande utilité dans son cercle et dans celui de lady Blessington. Voulez-vous être assez bon pour me donner deux lignes pour lui ?… Je serai très fier et très heureux de pouvoir être présenté par vous.

« Macready m’a chargé de le rappeler à votre souvenir. Il a magnifiquement mis en scène et admirablement joué dernièrement une tragédie intitulée Philippe d’Artevelde, au Princess Théâtre : malgré ses efforts cependant, la pièce n’a obtenu aucun succès. Un jeune acteur fait en ce moment fureur dans Othello ; on en parle comme d’un nouveau John Kemble. Je ne l’ai pas vu et son nom m’échappe. L’Antigone de Sophocle, représentée à Saint James Théâtre, ces jours-ci, par Bocage et quelques poor players français, avec les chœurs de Mendelssohn, n’a pu faire qu’une recette et demie. Je suis chargé de monter et de diriger l’Iphigénie en Tauride de Gluck à Drury-Lane ; si miss Birch ne chante pas trop faux, j’espère que nous serons plus heureux. J’ai un orchestre et un chœur admirables, et de plus ce phénix, cet être fabuleux après lequel tous les théâtres lyriques courent éperdus, un ténor. C’est un Irlandais nommé Reeves : il a de la chaleur, de l’intelligence et une voix. Il rubinise, mais avec bonheur souvent. Il est fort beau dans le rôle d’Edgar de Ravenswood.

« Voilà toutes mes nouvelles littéraires et musicales. On me prédit ici une belle position avant deux ans ; mais le premier coup que je frapperai doit être bien dirigé. L’appui de vos amis me sera d’une grande utilité et je n’hésite pas à vous le