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Alfred de Vigny et Hector Berlioz d’après des lettres inédites


Plus sincèrement peut-être qu’aucun écrivain de sa génération, et depuis ses années de jeunesse jusqu’à ses derniers jours, Alfred de Vigny s’intéressa au mouvement littéraire de son époque. Mais les destinées de la musique en France ne le laissèrent pas indiffèrent : n’avaient-elles pas été, pendant un très long temps, étroitement unies aux destinées de la poésie elle-même ?

L’éducation musicale ne lui avait pas fait défaut. Mme de Vigny, sa mère, s’était obstinée, lorsqu’elle s’appelait encore Mlle de Baraudin, à vaincre les difficultés « ardues » de la « science de l’harmonie. » Sans être poussées aussi loin, il s’en faut, les premières études du fils avaient été bien dirigées. D’autres occupations de l’écolier, jugées plus nécessaires, reléguèrent, la musique au second plan, puis la firent abandonner. Alfred de Vigny ne cessa pas, pour cela, de l’aimer, d’être apte à la comprendre et d’en ressentir, tout au moins, les effets avec cette intensité d’impression qui est le privilège des artistes. Qu’on relise ce qu’il écrivait, en 1833, au sortir du concert de musique archaïque organisé par l’érudit Fétis : « Jamais l’art ne m’a enlevé dans une plus pure extase, si ce n’est lorsque, étant malade à Bordeaux, j’écrivais Eloa. » On s’explique aisément qu’échappant aux erreurs de goût de tant d’hommes de son époque, il ait eu le mérite original de ne pas s’incliner devant les faux dieux, mais d’offrir, des premiers, sa vive admiration,