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beaucoup de gens se rappellent sans doute l’indignation générale que suscita le poème de Rossetti intitulé : Sommeil nuptial.

Cependant le puritanisme amène toujours une réaction, et à côté des grands auteurs qui y échappent, il y a des écrivains médiocres qui se piquent d’être eux aussi très forts et très réalistes. Ils sont pourtant négligeables, leur révolte étant par trop violente et allant presque jusqu’à la pornographie, de sorte que leur œuvre n’est plus du domaine de l’art.

Tout ce qui a été dit du roman pourrait se répéter au sujet du théâtre, dont on exige qu’il soit moral et ne donne que des pièces pour les familles. Ce n’est guère qu’à cette condition qu’il est toléré, ou du moins qu’il l’a été jusqu’à ces dernières années. Il y a encore aujourd’hui bon nombre de familles qui considéreraient comme un péché d’aller au spectacle, et dont la disposition d’esprit n’est pas bien différente de celle du prédicateur presbytérien Samuel Miller de New York, qui, en 1812, après l’incendie du théâtre de Richmond, où périrent une soixantaine de personnes, démontra que c’était là une juste punition de leur péché. « Assister pour son plaisir à une représentation théâtrale est une perte de temps criminelle, » et il ajouta que plus un divertissement est attrayant et paraît innocent, plus il est dangereux.

Les pièces de théâtre, de même que les romans, n’osent généralement pas toucher aux grands problèmes de la vie, et en éliminent surtout la passion vraie, qu’elles remplacent par de la sentimentalité. On a pu en juger à Paris, où l’on a donné, il y a quelques années, une pièce qui avait eu un très grand succès à Londres. Des Parisiens qui l’ont vue disaient qu’ils ne comprenaient pas que des hommes et des femmes pussent écouter avec patience des enfantillages pareils, bons tout au plus pour de petites pensionnaires. Car le puritanisme est là qui veille à la morale. Il vaut mieux ne pas se distraire, ne pas s’amuser ; mais si on le fait, que ce soit innocemment, que rien n’enflamme l’imagination en lui parlant d’amour. On s’inquiète même de la vertu des actrices, certaines personnes à tendances puritaines ne pouvant goûter une comédie à moins d’être sûres que le rôle principal soit tenu par une honnête femme !

Avec le théâtre, il y a aujourd’hui encore bien des amusemens interdits par les puritains sévères. Quelques-uns interdisent la danse, d’autres condamnent les jeux de cartes, à tel