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sévèrement censuré. Il est vrai que la plupart des spectacles de ce genre ont été de tout temps et en tout pays considérés avec défaveur par l’Eglise et par les gens très pieux. Les Maximes et Réflexions sur la Comédie de Bossuet suffiraient à le prouver, et l’évêque de Meaux n’est nullement suspect de puritanisme ; mais les déclamations des énergumènes du XVIIe siècle en Angleterre sont autrement violentes. L’infatigable Prynne, l’auteur de tant de pamphlets, n’a pas manqué de faire sur la question un gros traité intitulé : Histrio-mastix. Les expressions dont il flétrit ceux qui aiment le théâtre (pour les acteurs, c’est encore pis ! ) valent celles qu’il applique à ceux qui aiment la danse ; il les traite de monstres d’impiété, d’athées, de Judas, de meurtriers de leur âme, et appelle les théâtres « diaboliques. »

Certes, Nicole n’est pas tendre pour les spectacles ; il traite les poètes dramatiques d’ « empoisonneurs des âmes ; » il appelle les théâtres des « écoles du vice. » Nicole est cette chose rare, un Français puritain ; pourtant jusque dans ses expressions les plus fortes, il garde une mesure que ne connaissent pas les pamphlétaires anglais.

Ces divertissemens, toujours coupables aux yeux des puritains, le sont doublement le dimanche, le jour du Seigneur. En cela les puritains sont d’accord avec Bossuet, aux yeux duquel l’institution du sabbat est destinée à consacrer entièrement un jour à Dieu, mais qui certainement n’a pas prévu ce que pourrait être l’ennui effroyable du dimanche anglais. En 1618, Jacques Ier publia une déclaration, connue sous le nom de « Livre des Sports, » qui excita violemment l’indignation des puritains. Elle permettait certains divertissemens tels que la danse et le tir à l’arc, après les offices le dimanche, à ceux-là seuls qui y avaient assisté, mais elle interdisait le jeu de boules et les combats de chiens et d’ours. « Ceci dut faire de la peine à tous les gens sérieux, dit un historien partisan du puritanisme, car le mépris du dimanche ruine la moralité du peuple. » Aussi les puritains, dans leurs œuvres et dans leurs sermons, donnent-ils des exemples de punitions effroyables subies par ceux qui profanent le « jour du Seigneur. » Les cas de mort subite pour ceux qui se divertissent, qui voyagent ou qui dansent le dimanche sont innombrables. William Prynne en cite cinquante-trois, parmi lesquels cinq jeunes gens qui se sont noyés pour avoir voulu nager ce jour-là. John Bunyan raconte longuement qu’un