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doctrines. En Angleterre, elles s’accordent avec les besoins populaires et s’épanouissent rapidement.


IV

Si l’on cherche à tracer le portrait du puritain, la première chose qui frappe chez lui est le costume, et ce signe est déjà important. Il est vrai que les protestans de tous pays se sont fait remarquer, au moment de la Réforme, par leur mise sombre et sévère, mais nulle part on n’a été aussi loin qu’en Angleterre et en Ecosse : costume noir, de forme disgracieuse, à peine égayé par une collerette blanche et raide, chaussure lourde, cheveux courts et plats, d’où le surnom de « têtes rondes » (Round-heads) donné aux puritains. William Prynne a fait tout un traité pour condamner les cheveux bouclés du parti royaliste. Il dit expressément que « la beauté est une chose inutile et superflue, » et les expressions énergiques dont il se sert pour flétrir la jolie coiffure de l’époque de Louis XIII et de Charles Ier méritent d’être citées. Ces boucles sont, dit-il, des ornemens « coupables et illégitimes, signes d’infamie, de vanité, de lasciveté et de honte, » et devraient être odieuses à tout bon chrétien. La coiffure des femmes n’est pas épargnée non plus. L’évêque Hall parle des modes féminines avec la plus grande sévérité ; il rejette d’ailleurs la faute sur l’imitation de l’étranger, et attribue indistinctement les méfaits du corset et l’usage de la poudre de riz aux « dames françaises mal faites » et aux « perverses courtisanes de l’Italie. » Sans doute les prédicateurs n’ont manqué nulle part de s’élever contre le luxe du costume féminin, mais nul ne l’a fait avec autant d’amertume que les puritains. C’est qu’au fond ils haïssent la femme, qui représente essentiellement pour eux le péché, c’est-à-dire la beauté et l’amour. John Knox ne voit en elle que « vêtemens superflus, et orgueil puant, » et jamais le beau sexe n’a eu de pire ennemi que l’adversaire sans pitié de l’infortunée Marie Stuart. A cet égard, les puritains égalent, dépassent même, les solitaires de la Thébaïde : ils condamnent partout et toujours toute beauté, personnelle et impersonnelle, comme dangereuse et déplaisant à Dieu.

« Nous autres Allemands, dit Luther, nous nous gorgeons de boisson jusqu’à nous crever, tandis que les Italiens sont sobres. Mais ce sont les plus impies des hommes. » Les puritains