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796 REVUE DES DEUX MONDES. ratrice, je ne l’accorde qu’à ces braves, — qui sont de ma race, entendéz-vous, — et qui ont prodigué leur sangpour me défendre. Allez, Seigneur, j’ai dit. (Se rapprochant de lui, parlant très bas et vite, cette fois, comme une affolée. )]Yi seul mot encore pour- tant... Mon fils, autour de qui l’armée du Sud tient toujours... Mon fils..., puisque vous semblez tout oser et tout pouvoir,.,, essaieriez-vous de le délivrer, lui?... Mais non... quand c’est la mère qui parle en moi, je déraisonne et ne sais plus... Essayer cela, ce serait trahir le maître que vous devez servir... L’Empereur. — Je ne sers point de maître, je suis au-dessus des trahisons, libre comme les Dieux et seul devant ma con- science... J’essaierai... Je vivrai pour essayer... L’Impératrice. — Faites ainsi!... Et, à ce prix-là,... plus tard, dans les nuages où tous les morts se retrouvent et se fon- dent,... mes Mânes ne seront point hostiles aux vôtres... Main- tenant, allez. Seigneur... Nos dernières minutes nous sont nécessaires... [A Prince-Fidèle en lui faisant signe d’emmener l’Empereur tartare.) Prince, l’audience est close. Prince-Fidèle, à V Empereur qui hésite à s éloigner, comme sur le point de faire quelque révélation décisive. — Venez, Sei- gneur. Vous avez entendu notre souveraine vous donner congé. (Il veut l’entraîner vers la partie des murailles par où il était des- cendu. "> L’Impératrice, désignant la porte de bronze barricadée par des madriers. — Non, ouvrez cette porte : nous en avons le temps. Une dernière fois, je veux que l’on sorte de mon palais comme si j’avais encore la liberté et la puissance... Ouvrez! (Des soldats se précipitent, font tomber les madriers et ouvrent à deux battants la porte.) Rendez les honneurs au messager de grâce ! . . . (Les soldats mettent un i^enou en terre, le gong et les trompettes sonnent.) L’Empereur. — Oui, messager de grâce, malgré vous et quand même !... (Se retournant sur le seuil et parlant comme un illu- miné.) Du haut des nuées de l’orage sombre, le Dragon saura descendre... Et dans ses serres, il recueillera doucement, malgré lui, le beau Phénix qui avait voulu mourir. .. (Il sort suivi des quatre guerriei-s tartares. Les soldats barricadejit à nouveau la porte avec des madriers et des pierres.)