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considération que valaitla représentation proportionnelle. Mais, après tout, les bureaux de la Petite République ne sont pas ceux du ministère de l’Intérieur, et M. Gaston Cagniard n’est pas M. Aristide Briand. La presse, à peu près unanimement, constata la victoire de la réforme électorale. Le Temps du 26 avril disait : « Un fait résulte de cette première rencontre, et il est même le plus clair : c’est que la réforme électorale a obtenu dans le pays une énorme majorité, et, parmi les moyens préconisés pour l’accomplir, le scrutin de liste avec représentation proportionnelle est manifestement celui qui réunit le plus d’adhésions. » Et le Temps du 10 mai : « Si la réforme électorale avait, dès le premier tour, tenu une grande place dans les déclarations des candidats, que dire de celle qu’elle a occupée dans la dernière phase de la bataille électorale ? Il est tel arrondissementier jugé impénitent, qui, sentant le sol se dérober sous lui, s’est résigné, lui aussi, pour essayer de se sauver, à « s’accrocher » à cette réforme. D’ores et déjà, il est certain que la Chambre ne pourra se soustraire à l’obligation d’examiner et de trancher favorablement la question. Les proportionnantes, qui ont tant de raisons d’être satisfaits de ces élections, lui rappelleront au besoin son devoir. » De son côté, le Matin, après avoir remarqué : « Les grands vainqueurs, d’une façon générale, semblent être les proportionnalistes. Nulle part, on ne signale de défaites subies par eux et partout ils remportent des succès ; » le Matin jetait les « dernières pelletées sur un cadavre. » Le cadavre était le scrutin d’arrondissement, noyé, asphyxié dans la « mare stagnante. » M. Briand avait exprimé le vœu que le pays parlât : le pays avait parlé. Ce que, de loin et dans son bourdonnement confus, le suffrage universel s’était accordé à lui répondre, il était difficile qu’il ne l’entendît pas, d’autant plus que, tout près de lui, la voix familière, encore qu’aux accens parfois un peu âpres, de M. Millerand le répétait : « Il est temps que la politique républicaine se développe dans un régime assaini par une réforme électorale dont jamais avec plus d’évidence n’apparut la nécessité. » Dans le train qui, le mardi matin, emmenait les ministres à Rambouillet, pour leur premier Conseil après le renouvellement de la Chambre, M. Briand se décida : « Il faut, dit-il, faire quelque chose. »