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cela était d’ailleurs le corollaire logique de son théorème principal : venir en aide aux désespérés. Ce bureau, établi au quartier général de l’Armée du Salut à Londres, est conduit, avec autant de discrétion que de célérité, parle colonel J. Unsworth. La première année, 1907, il a secouru 1 124 personnes, qu’on peut classer ainsi qu’il suit, d’après la cause de leur inclination au suicide. Chez 54 pour 100, cette cause était des embarras financiers, qui leur semblaient inextricables ; 23 pour 100 y étaient entraînés par la maladie ou de grands malheurs ; 10 pour 100 par la mélancolie ; 9 pour 100 par l’alcoolisme et 4 pour 100 par le remords d’un crime. La seconde année, on est venu en aide à 1 006, et en 1909 à 1 064 personnes enclines au suicide et un très grand nombre ont été détournées de leur funeste projet. On sera curieux de connaître les remèdes employés pour guérir cette affection mentale, souvent si tenace. Eh bien ! ils sont très simples : la sympathie et la suppression de l’isolement, de petits secours matériels urgens, et surtout des conseils moraux, la prière. On n’a recouru à l’argument religieux que lorsque l’idée du suicide était née de la perplexité, causée par certains doutes ou difficultés doctrinales. Quant au sexe et à l’âge, le bureau avait eu affaire à moins de femmes que d’hommes, mais il a constaté que le nombre des adolescens enclins au suicide croissait.


IV. — LA FONDATRICE DE L’ARMÉE DU SALUT. — SON EXPANSION

Après avoir décrit l’objet, l’organisation et l’activité morale et sociale de l’Armée du Salut, il nous reste à parler de ses chefs et de son expansion prodigieuse. À cette fin, il nous faut, avant tout, esquisser la silhouette de Catherine Booth, la femme du général, car c’est elle, à vrai dire, qui fut l’inspiratrice de toute l’œuvre ; c’est elle qui, par son propre exemple, assura aux femmes le rôle éminent quelles y jouent.

Catherine Mumford, fille d’un pasteur méthodiste, n’était encore que la fiancée de William Booth, lorsqu’elle revendiqua les droits de son sexe dans l’Eglise. Son pasteur ayant, dans un sermon, soutenu l’infériorité morale et intellectuelle des femmes, cette jeune fille de vingt-quatre ans lui adressa une lettre fortement documentée, où elle réfutait sa thèse. Elle avouait que les femmes, par suite d’une instruction très insuffisante depuis des