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n’essaiera pas d’atermoyer, ce serait rendre un très mauvais service à ce pays. Un moment viendra où il faudra dire : Voilà ce que nous voulons, nous ne voulons pas autre chose. Cela, nous vous le dirons ! » Jusque-là, qu’on se garde « d’accabler tel ou tel mode de scrutin par préférence pour l’un d’eux. » Propagande, soit, mais méfiance ! « Quand on voit les campagnes actuellement menées rapprocher des hommes des partis les plus éloignés, on est obligé de convenir que c’est avant tout une question de tactique qui se pose. » L’étude, soit ; mais « avec la préoccupation du régime et le désir très net de ne pas voir affaiblir la majorité républicaine. » Ainsi, nous triomphions à l’excès, nous triomphions à tort, cependant que le président du Conseil, en répliquant, restreignait, circonscrivait, se reprenait, se retranchait. De toute cette eau qui nous glissait entre les doigts, quand nous serrions la main, qu’y restait-il ? La possibilité d’une discussion, d’une étude, d’un essai. Un mot, le mot : « proportionnalité » jeté, tombé au bout de la dernière phrase, comme la goutte qui emplissait notre verre : ce fut assez pour accorder au gouvernement le mérite et pour lui savoir gré de « parler sérieusement d’une chose sérieuse. » Dans ce peu de paroles même, il y avait du « pour » et du « contre, » des « oui » et des « non ; » dans cet exercice parlementaire, il y avait, à droite et à gauche, des coups de balancier ; mais nous savions qu’un ministère doit toujours se tenir en équilibre sur la corde raide, et que souvent les yeux disent « oui, » quand la bouche dit « non. » Nous regardions le président du Conseil dans les yeux, — dans ces yeux étonnans, doux et durs, clairs et sombres, fixes et mobiles. Bien que traités publiquement presque en suspects, à cause de l’association entre nous formée « d’hommes des partis les plus éloignés, » nous nous chargions, par un redoublement de propagande, puisque aussi bien il nous y invitait, de lui faire faire, pour suivre le pays, le reste du chemin.

Et nous nous souvînmes encore du sourire des yeux, lorsque, dans le fameux discours de Périgueux, le 10 octobre, après l’affirmation qui fit scandale : « À travers toutes les petites mares stagnantes, croupissantes, qui se forment et s’élargissent un peu partout dans le pays, il faut faire passer au plus vite un large courant purificateur qui dissipe les mauvaises odeurs et tue les germes morbides ; » après avoir proclamé qu’ « un changement