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hameau, puisqu’on y comptait à peine trois cents habitans. L’ambition de son père, qui rêvait de voir ses enfans sortir de la condition misérable dans laquelle il avait lui-même végété, l’envoya au collège de Valognes ; il y fut élevé par des prêtres dont cependant l’enseignement lui profita si peu que la perversité dont il fit preuve au cours de sa carrière ne cessa de se doubler chez lui de la plus grande ignorance. En fait d’instruction, il n’eut que celle dont il devait l’acquisition aux circonstances de sa vie et à la pratique des affaires. Deux ans avant la Révolution, nous le trouvons huissier à Valognes, fonction peu relevée, mais qui, dans cette petite ville, le classait parmi ceux dont l’influence s’exerçait assez aisément sur leurs concitoyens.

A l’approche des événemens qui allaient bouleverser la France, on le voit jouer le rôle d’agitateur. Il contribue à la création d’une société dite des « Amis de la Constitution, » se fait élire membre du conseil général de Valognes, capitaine de la Garde nationale et enfin l’un des trente-six administrateurs du département de la Manche. Dès cet instant, il se signale par sa violence et s’impose en quelque sorte aux électeurs lorsqu’ils sont appelés à élire les membres de la Convention nationale. Arrivé à Paris, il va siéger au sommet de la Montagne. Il y devient l’ami des conventionnels les plus farouches et des hommes qui ne tarderont pas à gouverner la République, de Robespierre et de Couthon notamment, dont les votes, dans toutes les circonstances, déterminent le sien. Politicien dans l’âme, ambitieux, prêt à tout pour réaliser ses ambitions, il ne perd aucune occasion de hurler avec les loups et de réclamer des châtimens exemplaires contre les aristocrates. Il est ainsi désigné pour se faire l’exécuteur des mesures les plus arbitraires.

Afin d’en poursuivre l’application, il est expédié, par les Comités de Sûreté générale et de Salut public, avec d’autres de ses collègues, dans les départemens de l’Ouest, parmi lesquels figure celui où il a reçu le jour. Deux fois redoutable, et par les fonctions qui lui sont dévolues, et par la cruauté avec laquelle il les exerce, il organise la terreur à toutes les étapes de sa tournée révolutionnaire, à Cherbourg, à Coutances, à Avranches, à Granville, à Valognes et enfin à Saint-Malo. Il entend que, partout où il se présente, les populations l’acclament et tremblent devant lui. A la porte des villes où on le voit