citadin, bâtie en briques ou en bois, sans goût et sans amour, confortable et banale, est aussi différente du cottage écossais de l’Ontario que de la chaumière normande de l’Ouest. Sa ville n’a rien qui rappelle ni Québec, ni Ottawa. Plus de couvens aux toits pointus et aux clochers effilés, plus de palais aux tourelles gothiques et aux fenêtres à croisillons, dressant leurs silhouettes françaises et anglaises, sur la colline, au-dessus de la rivière. Des rues à angles droits, des buildings carrés et énormes, des réseaux de fils, des rangées d’entrepôts à blés : la fièvre et la saleté, la puissance et la laideur des villes américaines, qui poussent trop vite et pensent trop aux dollars pour avoir ni le temps, ni le goût d’être jolies.
Cette ruée vers l’Ouest, vers des terres à blé, auxquelles des siècles de repos et des hectares de forêts assurent une fécondité inconnue, et d’ailleurs éphémère, transforme le problème du nationalisme canadien. Seuls, des chiffres peuvent donner quelque idée de la force économique et sociale, qui naît et grandit. Depuis neuf ans, la production de blé a triplé : elle est passée de 50 millions de boisseaux en 1900 à 128 et 163 en 1908 et 1909. Cet essor est dû uniquement à la mise en valeur de la prairie canadienne :
Années | Ontario | Manitoba | Alberta | Saskatchewan | Canada |
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1900 | 28 | 18 | 0,8 | 4 | 59 |
1902 | 26 | 53 | 0,8 | 13 | « |
1904 | 12 | 39 | 0,9 | 15 | « |
1906 | 22 | 61 | 3,9 | 37 | « |
1908 | 18 | 49 | 7 | 50 | 128 |
1909 | 16 | 45 | 7,9 | 90 | 163 |
Québec ne produit qu’un million de boisseaux. Ontario préfère, de plus en plus, les prés et les vergers. Manitoba est stationnaire. Seuls les comtés nouveaux, par leur fécondité croissante, transforment le Dominion en une Argentine septentrionale. Tandis que l’Est ne possédait, en 1907, que 39 entrepôts à blé, d’une contenance de 20 millions de boisseaux, l’Ouest en comptait, à la même date, 1 354. Le nombre et la capacité de ces magasins, reliés aux diverses voies ferrées du Dominion,