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soixante-quinze ans de luttes… Je ne consentirai jamais, quant à moi, à appuyer cette politique rétrograde…


Le député Bourassa démissionne le 18 octobre 1899. Il est réélu à une grosse majorité. Une bataille épique s’engage aux Communes d’Ottawa. Les séances des 13 février, 13 mars, 8 juin 1900, 12 et 20 mars 1901 marquent une étape dans l’histoire du Canada. Le nationalisme franco-canadien se dresse contre l’impérialisme britannique : « Nous sommes les sujets loyaux du Roi, que Dieu le protège ! Mais nous ne voulons pas avoir une trop forte dose de Chamberlainisme, disait-on à l’éminent auteur de Canada in the XXth Century. La lutte commence. Elle fut rapide et violente. Le résultat est décisif. L’armature militaire saute, avant que Joë Chamberlain ait eu le temps de la visser. L’Ouest francisé laisse à l’Est américanisé le soin de dénouer le lien économique. En moins de dix ans d’efforts, les deux nationalismes coalisés détruisent l’œuvre amorcée dès 1879 par sir John Macdonald, reprise en 1897 par sir Wilfrid Laurier et brisent les chaînes que les impérialistes anglais proposaient d’ajouter aux liens juridiques, oubliés et inefficaces, contenus dans un code poussiéreux.


Formé à l’école de l’opportunisme britannique, sir Wilfrid Laurier attache lui-même les rivets, qu’il avait enfoncés avec une maestria impérialiste, en 1895.

C’est l’auteur du vibrant discours, prononcé à Edimbourg le 16 juin 1897, pour saluer le jour prochain où les coloniaux promus au rang de citoyens « auront leur part entière dans l’Empire uni, » qui dicte le 3 février 1902, à la veille de la réunion de la conférence inter-coloniale, la réponse la plus glaciale, qu’ait reçue M. Joë Chamberlain :


Au sujet des différentes questions mentionnées dans votre dépêche, il n’en est qu’une qui puisse laisser espérer une utile discussion : c’est celle des relations commerciales entre les différentes parties de l’Empire. Les relations existantes entre les grandes colonies autonomes, notamment le Canada, et la Métropole sont considérées comme entièrement satisfaisantes, à l’exception de quelques détails de minime importance. Les ministres ne prévoient pas qu’étant donné la condition des diverses colonies, il puisse être établi un système de défense applicable à toutes…


M. Joë Chamberlain se frotte les yeux, rajuste son monocle,