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d’absorber les excédens budgétaires, mais de vider les fonds de caisse, s’il est permis de s’exprimer de la sorte, qui sont à la disposition du pouvoir exécutif. C’est ainsi que le compte courant à la Banque de France, qu’une gestion saine devrait avoir le souci constant de maintenir bien au-dessus du montant que le Trésor lui doit du chef des avances permanentes et autres, diminue d’année en année. Nous en sommes arrivés à ce point qu’en pleine paix, avec des excédens inespérés, nous n’avons même plus de quoi assurer notre service quotidien de caisse, et que, pour ce faire, nous mettons à contribution notre institut d’émission. C’est là un point sur lequel il importe d’attirer de la façon la plus sérieuse l’attention du Parlement. La circulation de 5 300 millions est à une hauteur suffisante ; elle a augmenté, au cours de l’année dernière, d’environ 200 millions, tandis que l’encaisse, dans le même espace de temps, diminuait de près de 300 millions : l’écart entre le numéraire et le papier s’est donc accru d’un demi-milliard, et la proportion de la couverture métallique, qui était de 85 pour 100 au 24 décembre 1909, est réduite d’aujourd’hui de plus d’un dixième et se trouve ramenée aux environs de 76 pour 100. Il est fâcheux que l’état du compte du Trésor contribue à ce changement.

Certes, la situation actuelle de la Banque de France est aussi solide que jamais. La politique qu’elle a suivie en 1910 et qui a consisté à faire une place dans son portefeuille aux effets étrangers, et à permettre l’exode d’une fraction de son encaisse, doit être hautement approuvée. Il était naturel que, dans une année de très mauvaise récolte, nos réserves métalliques fussent légèrement entamées ; et il faut constater avec une véritable reconnaissance pour notre grand établissement, que le taux de l’escompte a été maintenu sans changement, pendant toute l’année, à 3 pour 100, alors que la moyenne de la même période a été de 3,52 en Suisse, de 3,72 en Angleterre, de 4,12 en Belgique, de 4,19 en Autriche-Hongrie, de 4,24 en Hollande, de 4,35 en Allemagne et de 5,10 en Italie. Des moissons plus abondantes ramèneront l’encaisse de la Banque de France à son niveau antérieur et le lui feront vraisemblablement dépasser. Ce ne sont pas des variations provenant de causes agricoles ou commerciales qui nous inquiètent. Mais ce qui nous préoccupe, c’est de voir, subrepticement pour ainsi dire, disparaître la tradition en vertu de laquelle le compte du Trésor à la Banque