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crut devoir résister à certaines demandes qu’il jugeait excessives, et donna sa démission plutôt que de céder.

Cette manière de voir était aussi celle du gouverneur Magnin qui, en prenant pour la première fois la présidence du Conseil général en 1881, disait à ses collègues : « Nous serons toujours d’accord sur les principes qui forment comme le fondement de cette maison. Si vous avez constamment voulu maintenir l’indépendance et la liberté d’action de la Banque, je puis me permettre de dire que je le veux autant que vous. Je l’ai dit plus d’une fois du haut de la tribune dans l’une et l’autre Chambres ; j’ai fait plus, j’ai prouvé par mes actes que mes paroles n’étaient pas de vaines déclarations. Ce n’est certes pas aujourd’hui qu’ayant l’honneur d’être appelé à diriger cette grande institution de crédit, j’abandonnerai mes doctrines sur ce point capital. J’y resterai donc fidèle, au grand profit des intérêts du pays, de ceux du Trésor et de ceux du crédit public, dont nous avons spécialement la charge. »

C’est cette indépendance qui est la sauvegarde de la Banque, en même temps qu’elle rend à l’Etat des services inappréciables : car c’est précisément parce que son crédit reste distinct de celui du Trésor qu’elle est capable de lui venir en aide dans une mesure non pas illimitée, mais bien supérieure à ce qu’elle pourrait utilement faire, si elle était une institution officielle. Il faut toujours en revenir au mot historique de M. Thiers résumant les événemens de 1870 : « La Banque nous a sauvés, parce qu’elle n’était pas une Banque d’Etat. » C’est la même idée qu’exprimait le gouverneur dans son compte rendu des opérations de l’année 1910, lorsqu’il disait aux actionnaires le 26 janvier 1911 : « Tout en faisant de notre maison, sous le contrôle de l’Etat, l’hôtel de la monnaie fiduciaire, les statuts lui imposent un mode de gestion qui doit conserver un caractère nettement autonome pour demeurer vraiment commercial. Ces mêmes statuts nous constituent gardiens des principes inébranlables qui ont acquis et garantissent au billet de banque une solidité et un prestige incomparables, un crédit propre et indépendant, capable de seconder celui de l’Etat lui-même pour la sauvegarde du crédit public. »

De telles déclarations ont une valeur qu’on ne saurait méconnaître : elles montrent que la force de l’institution est telle qu’elle s’impose aux représentai du pouvoir, consciens de