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pouvait, et choisirait, si elle l’osait. Mais il fut évident, dès l’instant que cette décision fut prise, qu’elle ne le pourrait ni ne l’oserait, et que la Commission faisait trop pour que la Chambre fit rien : présenter deux rapports, c’était ne pas présenter de rapport, et recommander deux solutions, c’était reconnaître qu’on n’avait pas de solution. Cependant les deux rapporteurs s’acquittèrent de leur tâche. Dans la même séance, le 7 avril 1905, M. Buyat pour le scrutin de liste, et moi pour la représentation proportionnelle, nous saisîmes la Chambre de nos conclusions à la fois conjointes et contradictoires.

Je puis à présent l’avouer, j’avais aussitôt senti que nous ne pourrions point aboutir dans le peu de vie qui restait à la huitième législature, et, plus préoccupé de préparer l’avenir que de saisir une occasion qui ne s’offrait pas, j’avais donné beaucoup plus d’attention, dans mon travail, à l’exposé des motifs qu’au dispositif lui-même. La réforme électorale me paraissant condamnée, pour quelques mois encore, à n’être qu’une question académique, je m’étais attaché surtout à poser le principe, à esquisser la théorie de la représentation proportionnelle, en l’étudiant successivement dans son fondement, dans son fonctionnement et dans ses effets. Puis, comme il n’était pas difficile de prévoir, — c’est l’enfance de l’art ou de l’artifice, et l’a, b, c de la ruse parlementaire, — qu’un adversaire astucieux de la réforme, pratiquant ce genre de sophisme que Bentham a étiqueté ad verecundiam ou quelque chose de pareil, voudrait tirer parti contre elle des objections qui avaient pu jadis y être faites par ceux-là mêmes que l’observation des faits ou la réflexion avait amenés à en devenir les champions, il fallait se hâter de ruiner cet argument qui, si mauvais qu’il soit, manque rarement de porter sur l’ignorance, la malveillance ou l’égoïsme, plus ou moins justement alarmé. « M. un tel, qui préconise maintenant telle mesure, la combattait il y a vingt ans : par conséquent, repoussez-la, pour le punir de s’être trompé, et, qui pis est, de ne pas persévérer dans une opinion, fausse. » Aussi rééditais-je tout au long, sans leur ôter rien de leur force, — et je savais bien qu’on leur en avait trouvé, puisqu’on s’en était servi, notamment à la Chambre et au Sénat de Belgique en 1899, — es objections et les réserves que, quinze ou vingt ans auparavant, j’avais développées contre la représentation proportionnelle, dans la première partie de