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Angleterre, avait sur celui du double étalon la supériorité de la logique et de la simplicité. Il est en effet difficile de concevoir que la législation assigne un rapport invariable à deux substances qui s’échangent sur le marché libre et qui sont par conséquent susceptibles de varier de prix. Qu’un poids déterminé de l’une d’elles soit pris comme unité monétaire, et que, dès lors, il constitue le point fixe duquel les autres valeurs s’éloigneront ou se rapprocheront, selon que les marchandises hausseront ou baisseront, rien de plus aisé à admettre. Mais vouloir maintenir à tout jamais l’équivalence de 15 grammes et demi d’argent et de un gramme d’or était une conception arbitraire, que l’histoire ne justifiait pas plus que le raisonnement : car, au cours des siècles, les fluctuations de la valeur relative des deux métaux précieux avaient été incessantes.

Le signal de la rupture de l’équilibre plus ou moins stable qui avait été maintenu durant les trois premiers quarts du XIXe siècle, fut donné par l’Allemagne. Lorsque le nouvel Empire fonda son système monétaire, il lui donna comme base le métal jaune, dont seule la frappe fut autorisée. D’autres pays entrèrent, dans la même voie, et la valeur du métal blanc commença à baisser avec une rapidité telle que l’impossibilité de maintenir le double étalon apparut à tous les yeux. Le gouvernement français suspendit la libre frappe des monnaies d’argent pour les particuliers, et bientôt se l’interdit à lui-même, en sorte que, depuis plus de trente ans, l’or seul peut être monnayé chez nous. Nous ne parlons que pour mémoire des pièces divisionnaires de deux francs, un franc et cinquante centimes, dont le contingent a été augmenté à diverses reprises, mais qui, ayant un pouvoir libératoire limité à 50 francs, ne constituent pas un élément essentiel de la circulation. Seules, les pièces de 5 francs en argent ont le même pouvoir que l’or : dans l’encaisse de la Banque de France, elles représentent en ce moment environ 800 millions, c’est-à-dire le cinquième à peu près des ressources métalliques totales de l’établissement : on estime à un chiffre à peu près égal les écus qui sont chez nous aux mains du public. Ces 1 600 millions d’argent, jetés au creuset et vendus sous forme de lingots, ne vaudraient pas même la moitié de leur prix nominal : ils ne conservent leur force libératoire que parce que la loi la leur a maintenue et que leur quantité est limitée. La Banque de France, en fournissant en échange d’une moitié de