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L’ESPRIT DE LA NOUVELLE SORBONNE.

Lanson : « Il s’agit de savoir et non pas de sentir ; surtout il ne faut pas croire savoir quand on sent. » Oh ! que cela est dur ! « O Seigneur, que vous êtes rude ! » Mais cependant c’est la vérité en art (et peut-être ailleurs) que savoir est la condition de sentir et qu’il faut savoir un auteur pour le sentir autrement que confusément, pour le sentir finement, je vais plus loin : pour le sentir juste. Un exemple personnel. J’ai longtemps, comme tout le monde, été révolté de l’orgueil effronté des Confessions de Jean-Jacques Rousseau, des : « il n’y a jamais eu un homme meilleur que moi, » etc. Eh bien ! c’est que j’étais un imbécile. Non, c’est que j’étais un ignorant. Quand j’ai su que les Confessions étaient un ouvrage de défense, qu’en les écrivant Rousseau répondait à d’infâmes libelles qu’il savait qu’on préparait contre lui, alors tout a changé ; j’ai trouvé que Rousseau était éloquent, sans doute, mais n’était pas fou (il y a une différence), j’ai compris le ton et j’ai pu sentir juste. « Oh ! la belle chose que de savoir quelque chose ! » Mais le voyez-vous assez, que savoir est la condition de sentir. Oh ! mon Dieu, avec Wagner comme avec Rousseau.

Il paraît, — je l’ignorais, — que M. Lanson est un peu revenu sur cette formule, en très libre esprit qu’il est et qui ne s’emprisonne pas dans la maison qu’il bâtit, et qu’il a dit que « l’impressionnisme doit être à l’a base du travail scientifique et qu’il faut que sentir devienne un moyen légitime de savoir. » C’est maintenant que je le comprends moins. Je reste à croire que c’est savoir qui est un moyen de sentir et notamment le seul. S’il veut dire, et c’est ce que je pense bien, qu’on n’apprendrait jamais si l’on ne commençait par sentir un peu, et que la curiosité émue, l’émotion accompagnée de curiosité, est au commencement de l’étude littéraire comme l’hypothèse est le commencement nécessaire de toute découverte scientifique, je suis de son avis autant qu’il en peut être ; mais il reste encore qu’on ne sent bien que quand on sait beaucoup et qu’il est encore plus vrai que savoir est la condition de sentir qu’il ne l’est que sentir soit la condition de savoir.

Mais je m’égare, ou plutôt je m’attarde. Brusquons : l’enseignement supérieur, malgré ses austérités, est la condition d’existence de l’enseignement secondaire et par conséquent il faut qu’il existe et qu’on le prenne, quoique austère.

Donc, au premier étage, l’enseignement supérieur, superposé