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bizarre. Si, le plus souvent, la troisième année ne suffit pas à un jeune homme bien doué pour conquérir son agrégation, c’est que pendant un an on l’a transporté d’un enseignement dans un autre et dirigé vers le pôle Sud pour le ramener au bout d’un an vers le pôle Nord.

— Mais cela a été purement copié sur l’ancienne Ecole normale pour laquelle vous semblez avoir quelque penchant.

— Point du tout ! En seconde année d’Ecole normale, entre la première conduisant à la licence (enseignement secondaire) et la troisième conduisant à l’agrégation (enseignement secondaire) ce que l’on faisait, c’était parfaitement encore de l’enseignement secondaire. On ne faisait pas un mémoire, on en faisait six, et par conséquent ces mémoires n’étaient pas, ne pouvaient pas être des thèses de doctorat ; c’étaient des dissertations, plus étendues et plus nourries et plus substantielles que les dissertations de première année, mais c’étaient des dissertations. L’élève, passant de seconde en troisième année n’avait pas à faire demi-tour. Il n’avait qu’à faire plus compendieusement ce qu’il avait fait en seconde année avec une certaine abondance de détails. — Au lieu de six mémoires forcément courts, à la Sorbonne, maintenant, en seconde année, on fait un mémoire forcément long ; on met une année à le faire et on s’égare pendant un an loin d’un ordre d’enseignement auquel il faudra, après les vacances, revenir.

— Qui force les étudians à faire, non six mémoires courts, mais un mémoire considérable ?

— Qui ? Mais l’examen ! La voilà, la grande différence. A l’Ecole normale, les cinq ou six mémoires de seconde année n’avaient aucune sanction. Ils ne servaient qu’à exercer l’esprit, d’abord, et qu’à donner des indications aux professeurs sur la section (lettres, histoire, philosophie) où il conviendrait en troisième année de placer l’élève. A la Sorbonne, le mémoire mène à un examen ; l’élève le fait pour obtenir le diplôme d’études, sorte de grade entre la licence et l’agrégation. Voilà pourquoi il ne fait qu’un mémoire, très étendu, où se marque un grand effort d’érudition ; voilà pourquoi le mémoire de seconde année prend toute l’année ; voilà pourquoi le mémoire de seconde année est une thèse de doctorat précipitée ; voilà pourquoi et comment l’étudiant de Sorbonne, au cours de trois années, est ballotté et cahoté d’enseignement secondaire en