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il n’a pas hésité ; ses offres ont été immédiates, comme les acceptations qui les ont accueillies : nous voulons parler de l’attribution du ministère des Finances à M. Caillaux et de celui de la Guerre à M. Berteaux.

Il ne s’agit pas ici de la capacité technique des deux hommes. M. Caillaux est un spécialiste en matière de finances, et M. Berteaux, qui a été déjà ministre de la Guerre, s’est assimilé les questions qu’il aura à y traiter ; mais l’un et l’autre sont avant tout des politiciens ; ils ont montré à diverses reprises qu’ils mettaient les intérêts de parti, ou même de coterie, au-dessus de tous les autres, et s’il n’y a rien de plus fâcheux aux Finances, il n’y a rien de plus dangereux à la Guerre. M. Caillaux, pendant son dernier ministère, a inquiété, et alarmé tous les intérêts qu’il avait le devoir de défendre et de rassurer. Son projet d’impôt sur le revenu a jeté partout l’inquiétude. Tout le monde sait que le Sénat ne le votera pas tel qu’il est. Il semble donc que M. Caillaux était, en ce moment, moins désigné que personne pour occuper le ministère des Finances. — Point du tout, disent les malins, vous n’y entendez rien ; M. Caillaux n’est pas ce qu’un vain peuple pense ; s’il s’est quelque peu laissé entraîner dans l’échauffement de la bataille, il a retrouvé son sang-froid depuis qu’il n’y est plus ; il a d’ailleurs fait quelques expériences personnelles qui lui ont montré les questions par de nouveaux côtés ; mais il a donné de tels gages au parti radical-socialiste et aux socialistes eux-mêmes que lui seul est capable de leur faire accepter certains amendemens, certaines modérations à son projet initial ; ne jugez pas trop vite, attendez. — Nous attendons, il le faut bien, mais qui trompe-t-on ici ? La réapparition de M. Caillaux inquiète, non pas parce qu’il n’est pas capable de faire ce qu’on attend de lui, mais parce qu’il est aussi capable de faire autre chose, suivant l’occasion. Quant à M. Berteaux, en ce moment sa place n’était pas à la Guerre. Plus que jamais ce ministère aurait dû échapper aux influences politiques, et, pour marquer cette convenance, ou plutôt cette nécessité, la présence d’un militaire de profession, d’un général, se recommandait puissamment. Si on voulait à tout prix de M. Berteaux, il fallait le mettre ailleurs. Mais où ? Il était difficile à placer. Aux Travaux publics, il aurait trouvé la question actuellement brûlante des cheminots. On ne pouvait pourtant pas le mettre à l’Instruction publique ou à l’Agriculture : or il voulait être ministre et M. Monis n’était pas de force à passer outre à cette volonté. Le retour de M. Caillaux aux Finances et de M. Berteaux à la Guerre donne au ministère sa véritable physionomie : c’est