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L’expression est d’ailleurs un peu forte ; on n’enseigne pas un catholicisme athée à l’Action française ; on se contente d’y être très éclectique et d’y grouper des opinions confessionnelles diverses sous la même bannière politique. Ce n’est pourtant pas nous qui aurions qualifié M. Maurras de « mécréant. »


A propos du récit de la tentative de suicide de Maupassant fait par François, valet de chambre de l’écrivain, récit qu’il estime inexact sur quelques points, M. le docteur de Valcourt nous a adressé la note suivante :


François vint me chercher dans la nuit du 1er au 2 janvier 1892. (A cette époque j’étais en pleine activité à Cannes et ma vue est encore excellente en 1911.) Il insista, en arrivant, pour pénétrer dans ma chambre, désirant me dire, sans témoins, que Maupassant, dont je soignais depuis plusieurs années la mère et le frère, réclamait mes soins parce que mon pauvre ami avait voulu se couper la gorge avec un rasoir et qu’il fallait apporter les instrumens nécessaires pour fermer la plaie.

En route, François me raconta que le malade ayant manifestera plusieurs reprises, des intentions de suicide, il avait très sagement porté chez un armurier les cartouches du revolver de son maître, afin d’en faire retirer le fulminate, pour replacer ensuite les balles devenues inoffensives. Il en résulta, que lorsque, cette nuit-là, Maupassant voulut se servir de son revolver, les coups ratèrent tous, et que, après cet insuccès, il prit un rasoir et se fit une énorme entaille heureusement peu profonde, incisant la peau, la veine jugulaire externe, le muscle peaucier et entamant même les muscles sous-jacens.

Au bout de quelque temps, le pauvre exalté, voyant l’hémorrhagie s’arrêter, ouvrit une fenêtre. A ce moment, François, entendant du bruit, se précipita dans la chambre et arriva juste à temps pour l’empêcher de se précipiter dans le vide.

Maupassant me reçut très affectueusement, en me disant : « Mon cher ami, j’ai voulu me tuer, c’est insensé. »

La saignée provoquée par la section de la jugulaire avait produit une accalmie ; aussi me laissa-t-il très sagement prendre mes dispositions pour réparer le désordre.

Plusieurs lampes étaient inutiles, une seule suffisait, pourvu qu’elle fût tenue à proximité. Je chargeai François de cet office. A peine avais-je commencé mon travail, que François tomba inerte sur le plancher, ne pouvant supporter la vue de ces apprêts, comme cela arrive à bien des personnes en pareil cas. Après m’être occupé de lui et avoir attendu le temps nécessaire pour le remettre sur pieds, je lui demandai de prendre la lampe à bras tendu, mais en tournant le dos à l’opéré, de façon à ne rien voir. Quant au marin du Bel-Ami, il m’aida sans broncher et adroitement.