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A la date où nous sommes arrivés, la marquise de Saint-Pern-Magon, sa fille Mme de Cornulier, son gendre et son fils étaient encore en liberté. Mais ils étaient déjà marqués pour partager le sort de leurs parens.

Au moment de l’arrestation de son père, Mme de Saint-Pern-Magon était à la campagne, nous l’avons dit, chez sa sœur la comtesse de Meslay. Ses enfans y résidaient avec elle et notamment son jeune fils Marie-Bertrand. C’est de là qu’il partit dans les premiers jours d’avril 1794, pour venir à Paris où, victime, d’abord, de la plus épouvantable erreur et ensuite, de la criminelle infamie du Tribunal révolutionnaire, il allait trouver une fin tragique. Sa mère l’avait-elle précédé à Paris ou y arrivât-elle avec lui, nous ne saurions le dire. Il est cependant peu vraisemblable qu’elle n’y soit pas venue, afin d’essayer de délivrer son père ou tout au moins d’obtenir quelques adoucissemens à son malheureux sort. Elle était sa fille préférée ; c’est à elle que, la croyant encore en liberté et sans se douter qu’elle est destinée à périr avec lui, il écrira peu de jours avant d’être mis en jugement une touchante lettre d’adieux dans laquelle il fait à peine allusion à ses autres enfans. Quoi qu’il en soit de ces suppositions, nous la retrouvons, à la date du 28 germinal (17 avril), installée à l’hôtel de la place Vendôme, avec son fils, sa fille la marquise de Cornulier et le mari de celle-ci, bravant les périls que présentait alors pour les nobles le séjour de la capitale.

La Terreur en effet battait son plein. Le Tribunal révolutionnaire fonctionnait sans relâche, envoyait tous les jours des victimes à l’échafaud. Les maisons de détention regorgeaient de prisonniers qui attendaient leur tour. La Convention venait de rendre le terrible décret qui porte la date du 27 germinal et qui décidait que les prévenus de conspiration seraient traduits de tous les points de la République au Tribunal révolutionnaire de Paris ; que les Comités de Salut public et de Sûreté générale rechercheraient promptement les complices des conjurés et les enverraient devant le même Tribunal et qu’aucun ex-noble ne pourrait habiter Paris sous peine, s’il y était trouvé, d’être mis hors la loi. Venir à Paris en un tel moment, c’était braver la foudre : elle avait déjà frappé la maison des Magon et elle allait y faire de nouveaux ravages.

Au lendemain du jour où avait été votée la loi que nous