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malfaiteurs. Tombés dans leurs mains, les Magon étaient perdus, d’autant plus perdus qu’à Saint-Malo allaient se liguer contre eux, acharnés à consommer leur perte, d’autres bourreaux, émules de ceux de Paris, les membres du Comité de surveillance, un citoyen Fabre, garde national et président, de la Société populaire de Saint-Servan, qui se qualifiait « muni des pouvoirs de Carrier et organisateur de la Terreur ; » d’autres encore, personnages aussi obscurs que malfaisans, tombés depuis longtemps dans l’oubli, et enfin, les dominant de toute l’autorité de ses fonctions, le plus terrible d’entre eux, Le Carpentier, représentant du peuple envoyé en mission dans les départemens de la Manche, des Côtes-du-Nord et d’Ille-et-Vilaine, où il se fit l’exécuteur ardent et exalté des ordres du Comité de Sûreté générale, avec tant de violence qu’il a mérité d’être surnommé « le bourreau de la Manche. » Nul n’était plus capable que lui de seconder les desseins de Héron et de se faire son complice. Si ce ne fut pas par ses ordres qu’à Saint-Malo, on arrêta les Magon et leurs alliés, — il n’y était pas encore arrivé au moment de leur arrestation, — c’est par ses ordres qu’à l’exception de Magon de la Blinaye et de Magon de la Lande qui avaient été expédiés à Paris, peu après leur arrestation, c’est-à-dire à la fin de 1793, ils y furent envoyés à leur tour avec d’autres victimes au mois de mai 1794, pour être traduits au Tribunal révolutionnaire.

A cette date, Magon de la Balue était déjà incarcéré. Son arrestation, nous l’avons dit, avait eu lieu au mois d’octobre. A ce moment, il n’avait auprès de lui aucun membre de sa famille. Sa fille la marquise de Saint-Pern était avec ses enfans chez sa sœur la comtesse de Meslay aux environs de Chartres. Quant à son fils, Adrien Magon de la Balue, il résidait à Cormeilles-en-Parisis, avec sa jeune femme récemment accouchée. Il possédait une terre dans cette commune et faisait partie de la municipalité, ce qui tendrait à montrer que sincèrement, ou par prudence, il ne s’était pas montré hostile aux idées révolutionnaires. En tout cas, son absence de Paris, au moment de l’arrestation de son père, ne peut qu’étonner, surtout quand on se rappelle qu’il le secondait dans la direction de la banque et que le vieillard avait quatre-vingt-un ans. Mais elle est certaine ; on en a pour preuve qu’il ne fut pas arrêté, ce qui aurait eu lieu s’il eût été présent, étant lui aussi l’objet des suspicions les plus