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où les poursuites contre les Magon furent décidées, il y avait des hommes de proie, capables de tous les crimes. Mais, autour d’eux fonctionnaient des agens qui portaient leurs ordres au Tribunal révolutionnaire ou qu’ils envoyaient en mission dans les départemens et qui étaient pires : le citoyen Chrétien qui sera désigné plus tard comme le fléau de sa section, « n’ayant jamais voté que la mort, » quand il était juré du tribunal et qui arrêtait lui-même les suspects sur le sort desquels il était ensuite appelé à prononcer ; le citoyen François Dupaumier, ancien bijoutier devenu administrateur de police et inspecteur des prisons, puis directeur de celle de Bicêtre où il fut l’inventeur de la conspiration qui fut dénoncée en même temps que celle du Luxembourg.

Ce Dupaumier est un homme abominable. A Bicêtre, on le voit rôder nuit et jour dans les corridors, dans les chambres, dans les cabanons ; il écoute aux portes et prend note des propos qu’il surprend, afin d’en faire des charges contre ceux qu’il veut perdre. Il en dresse la liste, il la fait passer à Fouquier-Tinville et l’accusateur public fait condamner tous les malheureux dont le nom y figure. Aux yeux de Dupaumier, tous les détenus sont des conspirateurs, ils ne méritent aucune pitié. L’un d’eux âgé de quinze ans, ayant eu l’imprudence, en parlant de lui, de dire qu’il était un voleur, il le fait mettre aux fers en exprimant le regret de ne pouvoir, à cause de son âge, l’envoyer à la guillotine, et il le tient pendant plusieurs semaines enchaîné et au secret. Pour accabler les détenus, tous les moyens lui sont bons ; il provoque jusqu’aux témoignages des condamnés de droit commun. Ceux qui se prêtent à ses desseins sont l’objet de sa bienveillance, quelque scélérats qu’ils soient ; il les loge dans la même salle et, sur la porte, il fait placer cette inscription : « Chambre des Amis de la Patrie. » Chargé, en sa qualité d’administrateur de police, de conduire les suspects dans les maisons d’arrêt, il les oblige à se déshabiller, à se mettre nus et il leur prend pour se l’approprier l’argent qu’ils portent sur eux. A tous les points de vue, il est digne de figurer dans la bande qui, au nom de la République et du salut public, gruge, exploite et dépouille tous ceux qui sont tombés dans ses mains.

Détraquage mental, ou méchanceté naturelle, Héron était l’âme de ce personnel inhumain, vénal et cupide, et s’associa à tous les actes de cruauté qu’on relève à la charge de ces