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pour une brève durée. Leur père, leur mère, étaient condamnés à mourir seuls, à moins qu’un colporteur ou qu’un voiturier, à peine reconnaissable d’eux-mêmes, ne surgissent devant le lit d’agonie : c’était le fils, — le fils prêtre et paria, qui arrivait et partait dans la même nuit, et dont les frères et les sœurs, parfois, avaient peine à retrouver les traits. À l’enterrement, des gendarmes paraissaient, ils inspectaient le cortège, les approches de la tombe, constataient l’absence d’un fils, et l’interprétaient comme un succès de la loi. Elle avait enfin réussi, cette loi, à supprimer tous liens entre les prêtres exilés et leur paroisse ; seuls, les liens du cœur subsistaient, et elle les meurtrissait.


VII

Mais de par l’institution épiscopale, les évêques exilés demeuraient liés à leurs diocèses : il y avait là des attaches que le législateur était impuissant à rompre. Foerster, prince évêque de Breslau, invité à démissionner, puis déposé solennellement par la Cour royale, accueillait avec sérénité, dans la partie de son diocèse située en territoire autrichien, la nouvelle de ces rigueurs : quoi que fit et voulût l’État, le diocèse de Breslau continuerait d’être gouverné par Foerster. Brinkmann, de Munster, emmené en prison pour quarante jours au printemps de 1875, était l’objet de manifestations enthousiastes qui déjouaient, avec une impertinente allégresse, toutes les précautions des fonctionnaires : des files de voitures lui faisaient escorte, des fleurs lui étaient jetées, les hourras de tout un peuple réclamaient sa bénédiction, et l’organe national-libéral de la ville constatait que décidément les lois de Mai ne servaient de rien. Alors survenaient les suprêmes exigences de l’État : au refus de démission de Brinkmann, il répondait par un procès, et le prélat déposé finissait par s’en aller en Hollande, d’où il persisterait à régir l’église de Munster. Martin, de Poderborn, avait vu le geôlier, dès le mois de janvier 1875, afficher, à l’intérieur même de sa cellule, le texte du jugement par lequel la Cour royale venait de le déposer. Son emprisonnement touchait à son terme ; et comme on voulait avoir la main sur Martin et guetter au jour le jour son activité, on le mettait sous la surveillance de la police, en l’internant à Wesel. Mais quelques mois plus tard, le signalement d’un