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politique était en progrès, et sa voix confiante annonçait au Landtag que l’Etat sortirait de cette lutte plus fort et plus puissant. Mais c’était dans les mêmes termes exactement que, depuis deux années, évêques, prêtres, membres du Centre, célébraient les progrès et les développemens de l’Église. Il semblait que le pouvoir religieux et le pouvoir civil, échangeant entre eux un merci provocateur, se renvoyassent l’un à l’autre cet étrange témoignage : « Ma force augmente et c’est grâce à vous. »

Windthorst essayait d’abréger le duel : « Il est encore temps pour le ministre, disait-il, de voir s’il ne fera pas mieux de retirer la loi ; et peut-être peut-on lui conseiller de tenter un effort pour s’entendre avec les autorités de l’Église en vue du rétablissement de la paix. » Mais la décision de Bismarck était prise : il s’agissait de défendre la liberté spirituelle contre l’ordre des Jésuites et contre un pape jésuite, et de riposter à cette encyclique de Pie IX, qu’un député du Centre, profilant des droits de la tribune, s’amusait à lire d’un bout à l’autre, devant le Landtag. Bismarck pressentait, d’ailleurs, que les difficultés s’accumuleraient, que les « vicaires boute-feu » résisteraient ; il prévenait en passant les évêques qu’à des époques plus calmes, ils auraient avec ces prêtres-là quelque fil à retordre. Mais si tout le clergé mourait de faim, le Pape serait là, avec son denier de Saint-Pierre, les Jésuites seraient là, qui possédaient, à eux seuls, plus de la moitié de la fortune de feu Rothschild. Le Gesù pourrait faire vivre l’Église catholique d’Allemagne. De s’amuser à cette pensée, comme le faisait Bismarck, c’était assurément moins absurde encore que de supposer que l’Eglise catholique d’Allemagne pourrait humilier devant l’État je ne sais quelle tardive résipiscence et lui tendre, agenouillée, une main tremblante, mais avide.

Avec plus de docilité que de confiance, le Landtag vota le projet, et Bismarck s’en fut devant les Seigneurs, pour qu’à leur tour ils dissent oui.

La lutte des catholiques pour leur indépendance intéresse aussi l’Église évangélique, lui signifia Kleist-Retzow : un instant, contre le projet de loi, les deux confessions parurent faire front. Mais, sur les bancs conservateurs, Maltzahn se leva ; c’était un protestant rigide et croyant, qui jadis avait repoussé toute laïcisation de l’inspection scolaire, et qui depuis lors, par une sorte d’accoutumance, avait répudié toutes les lois