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avait pris avec la France ; elle entendait les partis antireligieux reprocher au ministère belge, comme naguère au ministère français, de jeter la patrie dans des difficultés internationales ; elle surprenait, à Bruxelles comme à Paris, l’énigmatique travail de certaines influences qui, très empressées à respecter les susceptibilités de Bismarck, s’essayaient à montrer que les ministères catholiques, que les majorités catholiques, manquant peut-être d’égards pour cet homme fort, mettaient par cela même les nations en péril. Bismarck voulait que la Belgique modifiât son Code pénal, qui laissait impunies des pensées meurtrières comme celle de Duchesne, et qu’elle prît des mesures pour empêcher ses sujets de troubler la paix intérieure des voisins. Au dire de l’Allemagne, il y avait là une sorte d’obligation internationale, pesant sur tous les Etats ; et sous couleur de perfectionner le droit des gens, elle n’aspirait à rien de moins qu’à préserver sa politique ecclésiastique contre les critiques des publicistes étrangers ou des évêques étrangers. Bismarck menaçait au dehors la liberté d’opinion, comme au dedans la liberté de conscience. La Belgique finit par annoncer le dépôt d’un projet de loi d’après lequel « l’offre ou la proposition non agréée de commettre contre une personne un attentat grave » serait, à l’égard de la menace, punie d’une peine correctionnelle sévère. Mais la Belgique ne promit rien de plus. Elle voulait bien braquer son Code pénal contre les imitateurs de Duchesne, mais non point contre ses évêques, ni contre ses écrivains. Il fallut que Bismarck se déclarât satisfait, car, au même moment, l’Italie, à laquelle il avait adressé d’autres représentations, ne lui accordait rien du tout.

A Rome, c’est du Pape lui-même qu’il se plaignait : il était tout près de rendre l’Italie responsable, pour le langage que tenait Pie IX à l’endroit de l’Allemagne. L’ambassadeur Keudell, causant avec le ministre Minghetti, le pressait de demandes sur la loi des garanties. A l’abri de cette loi, le Pape jugeait à sa guise les lois ecclésiastiques de l’Empire : était-ce tolérable ? était-ce compatible avec les bons rapports qui unissaient le Quirinal au gouvernement de Berlin ? En 1871, Brassier de Saint-Simon avait recommandé Pie IX au respect des Italiens ; Keudell, en 1875, semblait le signaler à leurs sévices. Étaient-ils donc vassaux ? et leur politique religieuse devait-elle se modeler sur celle de l’Allemagne ? Il semble que Victor-Emmanuel,