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a été de rétablir l’ancienne classification en trois directions. Après avoir voulu faire mieux que les Compagnies, l’État s’est remis à faire comme elles, et il faut le féliciter de ne s’être pas entêté dans son erreur. Seulement, il est triste de penser que les écoles qu’il fait coûtent tant de ruines et de deuils.

On a changé quelques hommes, on est revenu à une organisation ancienne et éprouvée ; c’est fort bien, mais cela suffit-il, et les chemins de fer de l’État vont-ils désormais présenter la même sécurité que les autres ? Nous n’en sommes pas sûr. Dans les dernières explications qu’il a données à la Commission des chemins de fer, M. le ministre des Travaux publics a reconnu loyalement que la grande majorité des accidens n’ont pas eu pour cause le mauvais état de la voie, mais bien des négligences du personnel. Des signaux n’ont pas été faits, ou, s’ils ont été faits, ils n’ont pas été observés, compris, obéis. De là vient que des trains se sont rencontrés et heurtés, souvent en pleine gare, et que des cris de douleur et d’épouvante seront élevés au milieu des décombres. Où est donc ici la cause du mal, sinon dans l’indiscipline qui s’est répandue chez les employés ? Quand nous parlons d’indiscipline, nous ne voulons pas dire qu’il y ait, parmi les employés, une mauvaise volonté déterminée et consciente ; mais il y a un laisser-aller général, une humeur distraite, d’autres préoccupations que celles du service, enfin un relâchement des liens qui établissaient autrefois et qui maintiennent ailleurs, d’une part l’autorité et de l’autre la subordination. L’autorité est un mot qui a singulièrement perdu de sa signification première : il évoque un souvenir plutôt qu’une réalité. Le nom même d’Ouest-État ne va pas sans soulever quelque ironie, car qu’est-ce que l’État aujourd’hui ? Où est-il ? Où en retrouve-t-on des traces ? C’est une grande idée que celle de l’État ; elle s’élève au-dessus désintérêts particuliers pour représenter avec la force des traditions et faire prévaloir l’intérêt général ; mais, c’est une chose bien faible que l’État, toi que nous le voyons se comporter autour de nous. Il n’est plus le maître de rien, il est devenu le domestique de tous, et voilà pourquoi tant de choses vont mal, même en dehors des chemins de fer. Mais, nous n’avons pour le moment à nous occuper que d’eux.

Le syndicalisme, dont nous sommes partisan, dont nous approuvons le principe, mais qu’on a si déplorablement faussé dans la pratique, a produit là ses pires conséquences. Les bons ouvriers, qui sont l’immense majorité, ont été souvent les victimes d’un petit nombre d’agitateurs, organisateurs de grèves, fomentateurs de