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REVUE DRAMATIQUE


COMEDIE-FRANÇAISE : Après moi, pièce en trois actes par M. Henry Bernstein. — GYMNASE : Papa, comédie en trois actes par MM. R. de Fiers et G. A. de Caillavet.


Si nous pouvions douter que le théâtre violent fût le contraire du théâtre vigoureux, et le théâtre brutal le contraire du théâtre vrai, la démonstration vient de nous en être fournie de façon magistrale par M. Henry Bernstein. Non que sa nouvelle pièce soit sensiblement inférieure aux précédentes. Tout juste pourrait-on dire que les ficelles y sont un peu plus grosses et manœuvrées avec moins de sûreté. Mais le cadre est différent. La Comédie-Française n’appartient pas à un genre exclusivement ; drame ou comédie y peuvent être également à leur place, à condition toutefois de contenir un minimum de littérature. C’est ce minimum de littérature que je regrette de ne pas trouver dans les pièces de l’école du coup de poing. Ce que j’entends par littérature, ce ne sont pas d’ailleurs de vains agrémens de style ou le luxe facile des mots d’auteur. Non, mais c’est un peu d’observation, quelque étude des âmes, un certain souci du réel. Les pièces de M. Bernstein en sont fâcheusement dépourvues, et celle-ci comme les autres. C’est, au jugement de la critique littéraire, la tare essentielle de ce théâtre. Tout le monde en a signalé la grossièreté, et je serai bien obligé de l’indiquer à mon tour. Tout le monde a noté l’odieux des personnages, et il me sera bien impossible d’avoir l’air de ne pas m’en être aperçu. Mais ces traits ne sont pas particuliers au théâtre de M. Bernstein, et on pourrait presque dire qu’à des degrés divers, ils sont caractéristiques du théâtre d’aujourd’hui. La marque des productions de M. Bernstein, c’est que tout y soit sacrifié à la situation. Il faut que cette situation soit non seulement frappante,