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science pour vivre est de savoir écarter de sa route tout ce qui peut faire trébucher et de veiller sur sa santé, le premier de tous les biens.


Le 21, mon maître écrit à sa mère ; le 22, il règle ses comptes chez ses éditeurs.

Je suis occupé aux emballages. M. de Maupassant me donne différens objets qui voyageront en petite vitesse, un ou deux dictionnaires en double (il en a déjà à Cannes), quelques œuvres rares d’auteurs anciens, qu’il veut relire avant de les rendre à sa mère à qui ils appartiennent…

Un sac spécial que nous prendrons avec nous contient des manuscrits et quelques lettres… Le 28, tout est prêt ; le 29, vers sept heures, nous descendons, la voiture nous attend à la porte. La concierge, bonne et simple femme, s’attendrit sur notre départ et verse des larmes sincères.

Mon maître lui a donné ses étrennes ce matin, en lui disant qu’il serait absent au Jour de l’An…


Chalet de l’Isère, 2 novembre. — De la fenêtre de sa chambre, mon maître voit la pleine mer, la pointe de l’Estérel qui avance dans la nappe bleue et aussi le phare. Il est ravi de cet horizon et de son logis, qui répond bien à ce qu’il désirait pour se reposer. Il est seul dans sa petite maison, pas de piano ni en dessous, ni au-dessus, pas de proches voisins, une vue étendue et son petit jardin au centre duquel il fait planter une corbeille d’œillets. Du premier étage, ce bout de jardin paraît quelque chose ; il se trouve agrandi par la continuation de celui de Mme Littré, la veuve du savant.

Nous jouissons d’une arrière-saison superbe ; aussi Monsieur en profite pour faire des promenades en mer ; son bateau semble lui tenir au cœur plus que jamais… Malgré la douceur du climat, mon maître me dit que la nuit, la température de sa chambre change très vite et tombe bas au matin. Cela tient à ce qu’au-dessus de cette chambre il n’y a qu’un grenier. Ce même jour, je me rends à une scierie mécanique en suivant la berge d’une rivière qui vient du Cannet. Dès le lendemain je fais répandre sur le plafond une couche de sciure de cinquante