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les absorbe et c’est un grand mal : la morale souffre de cette promiscuité des sexes, la femme perd totalement le goût du ménage et de son intérieur, le mari négligé s’en va au cabaret et les enfans, dont personne ne s’occupe, courent la rue qui devient pour eux une école du vice.

Dans le Pas-de-Calais, les femmes raccommodent les filets de pêche et soignent leurs enfans en attendant le retour du mari qui rapporte sa part du poisson généreusement octroyé par la mer. Les plus jeunes, chez les mareyeurs et les saleurs, encaissent le poisson, l’ouvrent, le nettoient, et mettent dans les tonneaux remplis de sel et dans les grandes corrèzes fumantes les harengs, qui, en devenant saurs, sont une source de richesse pour les Boulonnais. L’habileté professionnelle apporte à d’autres leur gagne-pain sous la forme de fabrication du tulle et d’imitation de vraies dentelles. Les mères de famille reçoivent à domicile le tulle brodé mécaniquement qu’elles découpent et effilent.

La fabrication des chaises de paille est encore lucrative et les ourlets à faire à des douzaines de mouchoirs retiennent la jeune fille des environs de Cambrai au foyer familial. Les femmes sont occupées à la fabrication des brosses, qui rapporte environ 2 fr. 50 par jour et permet le travail à domicile. Ailleurs, dans les Vosges, la femme, d’une habileté merveilleuse, brode sur toile, sur mousseline, fait de la broderie perlée, des boutons au crochet, de la passementerie.

En Vendée, elle n’abandonne pas sa quenouille : elle file, à la veillée, le lin récolté en été ; elle brode les jolies coiffes qui forment sa parure.

Les Normandes sont femmes de pêcheurs et de cultivateurs. Autrefois, elles cousaient des gants et gagnaient en faisant de la dentelle de jolis salaires d’appoint qui les retenaient au foyer. Par suite de la crise dentellière, le pays se dépeupla ; il y eut une terrible émigration vers la grande ville. Les jeunes filles et les jeunes gens désertant la campagne, il n’y eut plus de mariages, par conséquent plus de naissances et, comme contre-coup, une sensible diminution de la population : certain village du Calvados où, en 1885, la population était de 5 800 habitans en cinq ans descendit à 1700 ; aujourd’hui, il en compte 700 à peine. La résurrection des vieux points dont le secret s’était perdu, l’ouverture d’importantes écoles professionnelles où se