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aujourd’hui un seul suffit pour plusieurs hameaux. Encore a-t-il de grands loisirs, car il laisse dormir son métier, tomber sa navette et ne fait absolument rien pour attirer ou provoquer la clientèle. A part quelque rare paysanne venant de la partie la plus reculée de la montagne lui apporter son fil ou sa laine à tisser, il ne voit personne dans son échoppe et passe son temps dans une stoïque immobilité. Comme il ne forme ni apprentis, ni élèves, ni continuateurs, le tissage à la main risque de mourir avec lui.

Devons-nous laisser périr cette industrie ?

En Irlande, il y a peu d’années, une crise pareille à celle de l’Auvergne s’était fait sentir avec plus d’acuité encore ; les femmes devinrent les propagandistes de la rénovation du tissage. Elles procurèrent les matières premières, firent carder, peigner, tisser, teindre la laine, fournirent les indications nécessaires à la production des molletons, des tweeds, des serges, homespun et de ces divers tissus souples, d’aspect rugueux et chaud, aux dispositions variées que les tailleurs de Londres et de Paris transforment en costumes de style impeccable et en vêtemens de sport pratiques et commodes. La mode étant d’essence féminine, il serait facile aux Françaises de bonne volonté, non pas d’imposer, mais de propager parmi les femmes du monde de faire adopter par les couturiers en renom, l’emploi de ces draps foulés, de ces droguets, de ces limousines modernisées selon le goût du jour, car les serges, les homespun se peuvent fabriquer chez nous tout aussi bien qu’ailleurs. Leur influence toute-puissante ranimerait comme avec une baguette magique les métiers immobiles qui, dirigés avec goût et intelligence, dispenseraient autour d’eux la prospérité.

Dans les contrées montagneuses et forestières, l’industrie du bois, plus ou moins travaillé, devrait être sérieusement développée. Qu’il s’agisse de bois sculptés, tournés ou plus simplement travaillés, d’objets destinés à être recouverts par des étains ou décorés par la pyrogravure, cette industrie, plus ou moins florissante, périclite faute d’initiative.

L’Italie nous envoie des étagères, des tabourets, des armoires légères et pliantes, objets dont nous pourrions nous inspirer pour favoriser le travail du bois dans les régions où les matières premières existent en abondance, telles les Vosges, le Jura, la Savoie et bien d’autres encore.