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LE RELÈVEMENT DE L’INDUSTRIE RURALE.

par mètre carré : la majoration provient de l’écart du prix entre les deux fils. Il va sans dire que le nombre des fils varie suivant la largeur et la finesse du tissu et que, pour l’ouvrier tisseur, la partie la plus compliquée du travail consiste dans l’attache longue et minutieuse de ces fils sur le métier. Le jeu de la navette n’est rien et, une fois les fils tendus, le lissage d’une pièce, dont la longueur habituelle est de 10 mètres, ne demande guère que deux ou trois jours d’exécution[1]. De sorte que, si au lieu de faire des pièces d’un métrage restreint, suffisant aux petits besoins de son genre de clientèle, le tisserand avait à exécuter de plus grandes longueurs, son travail serait relativement diminué et il pourrait réduire ses prix, déjà minimes, vu la qualité solide et durable de ses produits.

Les toiles de chanvre décrites ci-dessus sont épaisses, quelque peu rugueuses, ce qui en rend l’emploi comme draps de fil ou linge de corps forcément restreint ; mais on peut l’utiliser autrement, par exemple pour certains travaux d’art soit au pinceau, soit à l’aiguille, dont la condition première est une grande solidité. On vend à Paris, au prix de 5 et 6 francs le mètre, des toiles russes ou norvégiennes, tissus de fils de couleurs rayés, dont la mode s’est fort engouée ces derniers temps. Ne pourrions-nous demander à notre industrie nationale ces mêmes rayures, ces mêmes tissus ?

Mais les toiles de chanvre ne sont pas les seules que nous donne le tissage au métier. Il y a de vieux tissus de fil et de laine dont la solidité défie les siècles et dont l’aspect trahit le sillage de la navette : ces produits d’un coloris si original pourraient servir à l’ameublement, c’est-à-dire au recouvrage des divans et des fauteuils, on pourrait en faire des tentures, des rideaux ; les prix ne dépasseraient aucunement ceux de l’importation étrangère. Indépendamment de ces prix, nous pourrions parler de ceux des tissus de laine comprenant les serges et les draps foulés. En favoriser la fabrication, c’est en même temps encourager l’élevage du mouton.

Il y a généralement entre le prix d’achat de la laine blanche et celui de la laine grise, noire ou brune, un écart de le à 20 centimes par livre en faveur de cette dernière. N’ayant pas à passer par les mains du teinturier, elle sera plus avantageuse

  1. Enquête du Musée social.