Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
178
REVUE DES DEUX MONDES.


III

Les variations de climats, les différences d’altitude, la nature des terrains et d’autres causes encore font que toutes les régions ne sont pas également fertiles, et s’il en est où le travail de la terre suffit à assurer l’existence de celui qui la cultive, à condition qu’il lui consacre la totalité ou la plus grande partie de son temps, il est au contraire des campagnes où le sol ingrat ne produit pas de fruits en quantité suffisante pour « nourrir ses gens. » Il devient alors nécessaire d’introduire une industrie qui, permettant aux paysans de vivre chez eux, leur épargnera la tentation d’émigrer vers les villes. Cependant, créer une industrie nouvelle, sans l’adapter aux besoins, aux ressources du pays, serait une tentative sinon dangereuse, tout au moins risquée et précaire, parce qu’il est impossible de prévoir si les débouchés futurs s’accorderont avec une production encore incertaine. Il est donc préférable de rechercher les industries anciennes, les industries locales, de les rénover en quelque sorte et de les adapter au goût du jour, à l’aide des progrès mêmes de la science moderne. Si la vapeur a centralisé la force, l’électricité permet de la décentraliser et de la distribuer à domicile par un fil à de petits moteurs domestiques qui donnent du travail non seulement au père, mais encore à la femme, à la fille, devenant ainsi les collaboratrices du chef de famille, puisque la conduite des métiers mécaniques exige plutôt de l’adresse et de la surveillance qu’un déploiement de force musculaire. Grâce à la « houille blanche » et à la « houille verte, » il devient possible d’obtenir cette force à très bas prix, de l’amener dans les hameaux les plus reculés et de l’appliquer à l’exercice d’une foule de petits métiers.

Une des industries les plus tombées et cependant des plus utiles et intéressantes à rénover, c’est le tissage qui remplit le double but d’utiliser sur place les matières premières fournies par une exploitation agricole et de fournir des objets de première utilité dont la surproduction n’est guère à craindre. Autrefois, les jeunes filles s’occupaient à filer le linge destiné à leur trousseau, elles s’enorgueillissaient de contribuer ainsi à remplir la vieille armoire de famille des pièces tissées par le