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forme ou sous une autre, la féodalité s’était maintenue pendant sept siècles ne pouvait s’unifier que par l’armée ; un empire fondé par la Révolution et la guerre civile ne pouvait se défendre contre l’une et l’autre que par l’armée, comme aussi un Etat menacé de tous côtés par les ambitions d’Etats beaucoup plus grands, beaucoup plus populeux, ne pouvait se maintenir et se développer qu’en devenant un Etat militaire. Une place prépondérante a donc été faite à l’armée : on en peut juger par ce fait que depuis 1885, sur sept présidens du Conseil, trois ont été des généraux ; non seulement les militaires ont toujours eu les portefeuilles de la guerre et de la Marine, mais ils ont souvent dirigé des administrations civiles ; en 1903, sur dix ministères, cinq avaient pour titulaires des généraux et des amiraux, dont la présidence du Conseil, l’Intérieur et l’Instruction publique ; le ministre des Finances actuel est un général. Plus du tiers des recettes budgétaires est affecté aux dépenses de l’armée et de la marine, et c’est l’énormité de ces dépenses qui a provoqué tous les conflits parlementaires.

Le rôle particulier réservé à l’armée japonaise apparaît dans son organisation. Sans doute ses origines sont complexes. On la forma d’abord de régimens cédés par quelques clans ; plus tard, quand on eut établi le recrutement, on eut pour soldats des paysans, pour officiers des samuraïs, principalement des clans de Choshu et de Satsuma ; avec le temps, toutes les classes sociales, toutes les provinces furent représentées et dans la troupe et dans le corps d’officiers. Au début, l’armée comptait seulement quelques milliers d’hommes, elle fut doublée une première fois en 1884, une seconde fois en 1895 après la guerre contre la Chine, de nouveau augmentée d’un tiers après la guerre contre la Russie. D’autre part, cette armée, qui de 1871 à 1880 fut organisée par une mission française subit plus tard des influences diverses, surtout l’influence allemande ; enfin, à faire la guerre elle apprit à la faire. Et cependant, malgré ses origines complexes, cette armée, telle qu’elle existe aujourd’hui, porte nettement la marque du Japon et du gouvernement actuel.

Le premier caractère de cette armée est l’autocratie. L’empereur n’est pas seulement le commandant suprême des années de terre et de mer en temps de paix et en temps de guerre, mais son autorité est le seul lien entre leurs organes. Ce sont d’abord le conseil des maréchaux et le conseil supérieur de la