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leur dit-il, quelles que fussent leurs qualités techniques, ne seraient que des poupées ; avec des troupes composées de pareils hommes, on n’aurait que des bandes à l’heure du danger. » L’empereur prescrit ensuite la courtoisie : « Si les inférieurs ne respectent pas leurs supérieurs et que les supérieurs traitent durement leurs inférieurs, les uns et les autres deviendront une malédiction pour l’armée et commettront un crime impardonnable envers la patrie. » Soldats et marins doivent avoir pour première ambition d’être braves, mais en n’oubliant jamais que les hommes d’un vrai courage traitent toujours les autres avec douceur ; de la simple bravoure avec de la disposition à la violence fait haïr des hommes comme des brutes. L’empereur recommande ensuite la loyauté, la plus absolue loyauté ; l’on ne doit prendre aucun engagement si l’on n’est certain de pouvoir le remplir ; nul ne doit s’exposer à se trouver dans ce dilemme : manquer à sa parole ou la tenir au détriment de son devoir. Le dernier précepte de la morale militaire, celui sur lequel il est le plus insisté, c’est la simplicité : laisse-t-on naître, des habitudes de luxe dans certains corps d’officiers, elles se répandent dans tous les, rangs comme une épidémie, il n’y a plus ni esprit de corps, ni discipline. La morale militaire ne lui semblant pas suffisante pour donner aux soldats la foi, le dévouement sans bornes qui devaient faire de l’armée la défense morale et matérielle du pays dans la paix et dans la guerre, l’empereur a transformé cette morale en religion militaire ; partout s’élèvent des temples aux mânes des soldats tombés sur le champ de bataille ; tous les régimens, tous les chefs, l’empereur lui-même, y viennent adorer ceux dont leur héroïsme a fait les dieux protecteurs du pays. Dans cette religion, l’officier formé à la civilisation européenne et le montagnard, le marin restés superstitieux comme autrefois peuvent loyalement, intimement s’unir ; tandis que les uns croient réellement que les héros divinisés combattent à côté d’eux dans la mêlée, les autres ont foi dans cette force, la meilleure de toutes peut-être, que donne aux descendans l’exemple des hauts faits de leurs ancêtres, dans cette étroite solidarité patriotique que crée la tradition séculaire des mêmes aspirations et des mêmes vertus.

Et comme elle est le fondement moral du nouveau régime, l’armée en est le fondement matériel : un pays où, sous une