Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et en Amérique, ouvrages qui se combattent et se dénigrent les uns les autres, le contraste de leurs doctrines avec celles de la philosophie chinoise et japonaise, l’orgueil de la science trop vite acquise et des victoires tout à coup remportées, les progrès d’un esprit démocratique encore inexpérimenté, la transformation des conditions matérielles de l’existence ne pouvaient manquer de produire chez les jeunes gens une grande confusion d’idées, la perturbation des sentimens moraux et des instincts sociaux, le scepticisme, le goût du luxe, l’inquiétude et le mécontentement. La véritable cause de ces maux, il faut cependant la chercher dans les circonstances générales et non dans l’enseignement donné ; le gouvernement veille à ce que cet enseignement, tout en étant moderne, ne devienne jamais téméraire.


De l’œuvre de réorganisation que nous venons d’exposer, on peut dire que l’armée est le fondement. Elle l’est d’abord au point de vue moral. L’école et l’armée sont indissolublement unies ; le principal but de l’école est de préparer les enfans au service militaire, le principal but de l’armée est de développer chez le jeune homme l’enseignement moral et patriotique que l’école a donné à l’enfant. Dans tous les pays, le service militaire, qui, pendant plusieurs années, plie tous les jeunes gens à une discipline de chaque instant, a été le moyen le plus puissant dont l’Etat se soit servi pour créer une nation, répandre l’instruction et l’éducation, imposer l’égalité sociale. Au Japon, où l’héroïsme militaire est tenu pour la première vertu, où la caste militaire a, pendant des siècles, seule exercé le gouvernement, où par suite toutes les institutions civiles tirent leur origine d’institutions militaires, c’est par l’armée que le gouvernement a voulu appliquer pleinement son principe qu’une éducation fondée sur une méthode rigoureusement scientifique peut façonner un peuple au loyalisme, au patriotisme et à l’héroïsme. Aussi le catéchisme civique du Japonais, esquissé dans le rescrit de l’empereur sur l’éducation, reçoit-il tout son développement dans le rescrit aux soldats et aux marins, où l’empereur leur enjoint, au nom de ses divins ancêtres, de se conformer aux cinq préceptes de la morale militaire qui s’est formée au cours des siècles par l’union des idées chevaleresques et des doctrines du confucianisme. Il leur ordonne d’abord de se montrer fidèles envers le souverain et la patrie. « Des soldats sans patriotisme,