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ancêtres impériaux considérés comme les dieux du pays tout entier. Les romantiques modérés, comprenant que la faiblesse du Japon devant l’étranger était due au morcellement féodal, voulaient le rétablissement de l’unité nationale sous l’autorité unique de l’empereur ; les exaltés, les mystiques qui avaient des extases et accomplissaient des prodiges, attribuaient cette faiblesse à la haine des dieux irrités qu’on eût abandonné leur religion pour le bouddhisme et dépouillé le mikado, leur descendant divin, de ses droits sacrés à gouverner l’archipel créé par eux. C’est ainsi que légitimistes et révolutionnaires, rationalistes et romantiques, s’unirent dans une même haine du bouddhisme et du shogunat, dans le même désir d’une restauration impériale.

L’arrivée des escadres étrangères en 1854, l’ouverture de l’archipel au commerce international, firent éclater la Révolution. Après quinze ans de troubles, de révoltes, de complots, en janvier 1868. les quatre grands dans où les révolutionnaires étaient devenus les maîtres, Choshu, Satsuma, Hizen et Tosa, réussirent, avec l’aide de quelques nobles de cour, leurs alliés, à s’emparer par surprise du palais impérial de Kioto et du jeune mikado Mutsuhito, alors âgé de quinze ans. Le shogun fut mis hors la loi ; ses troupes furent battues ; Yedo fut pris et devint, sous le nom de Tokio, la capitale du nouvel empire centralisé.

Devenus les ministres de l’empereur, qui a régné de 1868 à 1890 comme souverain absolu et depuis 1890 comme souverain constitutionnelles chefs de la Révolution se donnèrent d’abord comme but de détruire toutes les institutions du passé ; ils proclamèrent l’abolition des classes sociales, des corporations, de la solidarité familiale, la liberté du commerce, de l’industrie et de l’agriculture, la séparation de l’Eglise bouddhiste et de l’État, la confiscation des biens des couvens. La mesure capitale fut la suppression des principautés féodales, qui eut lieu en deux fois. En 1869 l’empereur se contenta de changer le titre de seigneur féodal en celui de préfet héréditaire et d’imposer à toutes les principautés la législation et les règles d’administration qu’il avait promulguées pour les anciens Etats des Tokugawa confisqués après leur défaite ; en 1871, quand, par des négociations compliquées, il eut obtenu que les principaux dans lui cédassent une partie de leurs troupes, les princes furent rappelés à Tokio les clans furent supprimés, et le Japon fut divisé en départemens. Et tel était le désir chez tous de cette unification qu’aucun