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d’autres ! Et tant qu’on ne nous aura pas montré les anciens découvrant le christianisme, on pourra mettre en doute pour l’établir l’efficacité des méthodes « expérimentales. » Si M. Bourget s’est un jour retrouvé catholique, c’est peut-être qu’au fond de lui-même il n’avait jamais cessé de l’être ; et c’est le cas de redire ici le mot de Pascal : « Va, tu ne me chercherais pas, si tu ne m’avais trouvé… »

J’insisterais moins, si ces scrupules de « positiviste » n’avaient pas, quelquefois, incliné M. Bourget à une sympathie peut-être excessive, pour le « catholicisme athée » que l’on, enseigne à l’Action française, et qui n’est d’ailleurs pas le sien. Le sien est bien le catholicisme authentique, et qui exige l’adhésion intime du fond de l’âme ; mais « il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père, » et il faut bien reconnaître que le catholicisme de l’auteur d’Un Divorce se rapproche plus de celui d’un Bonald ou d’un Joseph de Maistre que de celui d’un Chateaubriand. Qu’une religion purement individuelle soit un non-sens, et que toute religion véritable soit une « sociologie, » on l’accorde sans peine. Que le catholicisme soit une religion essentiellement « sociale, » et une « religion d’autorité, » c’est ce que l’on n’a garde d’oublier. Mais il est aussi, et même il est surtout une « religion de l’esprit. » L’autorité, dans le catholicisme, est un moyen, non pas une « fin en soi, » comme disent les philosophes, — un moyen d’assurer la perpétuité et la communauté de la foi, un moyen de transmettre, en la réglant, en la canalisant, la vie intérieure. Mais si la vie intérieure ne demeurait pas la fin dernière, l’objet constant et suprême, le catholicisme ne serait plus qu’une forme vide, un arbre mort dont il ne subsisterait que l’écorce. Si le catholicisme n’est qu’un gouvernement, si, pour dire le mot, il n’est plus qu’un « caporalisme, » il n’a plus de raison d’être. En insistant comme il le fait avec quelque excès sur le principe d’autorité, c’est ce que M. Bourget a parfois l’air de perdre un peu de vue. « J’ai beaucoup lu les Evangiles, fait-il dire à son Jean Monneron, et, si j’en traduisais l’enseignement, je le résumerais dans ces trois mots : Discipline, Hiérarchie, Charité. » — Charité : oui, sans doute. Discipline, Hiérarchie : est-ce bien sûr ? L’Evangile interprété par l’Eglise, peut-être. Mais l’Évangile tout seul, j’en doute un peu. Et au reste, ne voyons-nous pas, par un illustre exemple contemporain, ce que la pensée