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mêler. On nous demande des garanties ; que veut-on ? Nous observons les lois, nous payons les impôts ; nous respectons les fonctionnaires autant qu’ils le méritent ; nous allons à l’école allemande ; que désire-t-on de plus ? Avec quel baromètre veut-on mesurer notre patriotisme ? Un mariage de raison peut devenir heureux, mais à la condition que l’un des conjoints ne maltraite pas l’autre d’une façon constante. Nous n’étions pas une tribu de nègres quand on nous a annexés, mais un peuple d’une culture ancienne, plus ancienne que celle des hobereaux de l’Est. Le seul crime qu’on puisse nous imputer est d’avoir été Français. » C’est, en effet, le seul crime des Alsaciens-Lorrains. Les projets du gouvernement sont maintenant devant une Commission, ils seront bientôt l’objet d’une discussion nouvelle. Ce qui montre le travail qui s’est fait dans les esprits, c’est que la grande majorité de cette Commission s’est déclarée favorable aux désirs des Alsaciens-Lorrains. Les catholiques, les nationaux-libéraux ont opiné dans leur sens ; mais il y a loin de la coupe aux lèvres, et la distance ne sera franchie, ni facilement, ni tout de suite. M. Delbrück a déclaré que le gouvernement ne ferait pas un pas de plus : voulût-il le faire, le Conseil fédéral s’y opposerait. Si la Commission, si le Reichstag surtout élargissent le projet dans le sens des aspirations alsaciennes-lorraines, le gouvernement le retirera sans doute. Situation angoissante à laquelle nous sommes condamnés à assister avec une impassibilité apparente, en dépit de l’émotion profonde avec laquelle nous en suivons les péripéties.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant, FRANCIS CHARMES.