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opéras composés par nos grands musiciens pour le théâtre du petit, État. « Monaco, » nous apprenait-on naguère, au collège, « colonie phénicienne, ainsi nommée de l’un des noms d’Hercule, Μονοῖϰος (Monoikos), qui n’a qu’une demeure. » Tout de même, il doit y en avoir plus d’une en la noble maison. L’Ancêtre est supérieur à Don Quichotte, et d’un étiage, ou d’un étage plus haut.

Le drame de M. Auge de Lassus a pour sujet, — et, se passant en Corse, pour sujet inévitable, — une vendetta, laquelle manque son but, ou son coup, par suite de la fatigue visuelle de la vengeresse. Nous nous expliquerons à la fin sur ce point particulier et capital, Mais d’abord, en d’autres termes, un peu moins ramassés, voici l’histoire.

Un jeune officier du premier Empire, Tebaldo Pietranera, vient, entre deux campagnes, revoir son île natale. Il y retrouve, également fidèles, ses amitiés, ses amours et ses haines. D’abord un brave homme d’ermite, le Père Raphaël, autrefois un peu gardien de son enfance ; puis la douce Margarita, le rêve et l’espoir de sa jeunesse ; enfin la famille des Fabiani, mortels ennemis de sa propre famille, et dont Margarita, par malheur, est quelque chose comme la fille adoptive. Entre l’une et l’autre gens il y a du sang, par l’une et l’autre répandu. Le saint ermite se propose d’en effacer la dernière trace et, nouveau frère Laurent, de réconcilier sous sa main bénissante les Capulets et les Montaigus du maquis. Tous ils vont consentir au pardon réciproque ; seule une vieille aïeule des Fabiani, Nunciata, « l’ancêtre, » — j’aimerais mieux « l’aïeule, » — pleurant toujours un fils tué naguère, s’y refuse et rallume des deux côtés l’homicide fureur.

Celle-ci fait bientôt une victime nouvelle. Attiré dans un guet-apens, Tebaldo, pour se défendre, frappe son agresseur, le petit-fils de Nunciata. Maintenant, deux fois vengeresse, c’est à sa petite-fille, à la sœur du défunt, Vanina, que la mère et grand’mère imposera le devoir des doubles représailles. Un vieux serviteur arme de son fusil le bras de sa jeune maîtresse. Mais, apprenant le nom du meurtrier, Vanina pense mourir, car, en secret, elle l’aime.

Elle le cherche pourtant, et l’épie, défaillante. Sur le seuil d’une chapelle où tout à l’heure il est entré, sa main a déposé son arme. Soudain sa main la ressaisit. L’aïeule est survenue, conseillère implacable ; et puis, et surtout, deux voix ont parlé dans la chapelle, celle de Tebaldo et celle de Margarita, échangeant devant l’ermite les sermens d’un amour que la malheureuse ignorait. Tous les deux, enlacés, ils sortent, passent devant elle, et, décidément inégale à son horrible