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Malheureusement, le développement de ces ports est entravé par les douanes. Les droits à acquitter pour un objet européen importé à Manaos s’élèvent en effet quelquefois jusqu’à 100 ou 150 pour 100. Ils sont en moyenne de 35 à 50 pour 100.

Mais le principal intérêt de l’Amazonie d’aujourd’hui, c’est son avenir. En parcourant pendant des milliers de kilomètres les rivières amazoniennes, devant cette immensité, devant ces millions d’hectares qui dorment encore incultes, devant la fertilité de ces déserts, nous ne pouvions nous empêcher de nous rappeler l’idée de Humboldt qui, il y a longtemps déjà, traversant les mêmes régions, y voyait un des centres futurs de civilisation ; si chaque année l’Europe déversait un million d’hommes sur cette terre même, si chacun de ces hommes se mariait et fondait une famille, il ne faudrait pas moins de cent ans pour peupler la vallée amazonienne.

Cette région, bien exploitée, pourrait, croyons-nous, nourrir deux cent millions d’hommes, car le sol fertilisé par cinquante siècles de virginité durant lesquels l’humus s’ajoutait à l’humus, surchauffé par le soleil des tropiques, enrichi par chaque crue du fleuve qui y répand la terre arrachée au plateau brésilien comme le Nil féconde sa vallée en y déversant la boue des grands lacs africains, le sol, disons-nous, peut y donner deux et même trois récoltes par an. En quelques mois le champ en friche redevient taillis, en trois ans c’est de nouveau la forêt vierge : le caoutchouc, le châtaignier y poussent naturellement. Le cacao, les ananas, les bananes y réussissent merveilleusement. Le riz y prospère autant qu’en Indo-Chine. Les pâturages sont assez bons et le bétail qu’on pourrait y élever est illimité.

À cet avenir infini en quelque sorte, y a-t-il un obstacle inéluctable ? Nous ne le croyons pas. Il y avait la fièvre jaune ; elle est à peu près vaincue. Il y a encore le paludisme ; il est déjà moins fréquent et moins grave qu’il y a quelques années. On arrivera à le diminuer dans de plus larges mesures. En même temps la richesse augmente[1].

En 1898, le caoutchouc a valu près de 20 francs le kilo pour la meilleure qualité, en 1906, plus de 15 francs pour la qualité moyenne. La récolte et surtout les prix de 1907 ont été moins

  1. Nous ne voulons pas donner ici les tableaux statistiques de toutes les productions