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ordinaires, qui sous le nom de Tangoutains ont joué un grand rôle dans l’histoire chinoise.

Par la lamaserie de Tartsa-Gomba, — qu’on excuse ce pléonasme, car gomba signifie lamaserie, — nous allons maintenant gagner la tribu de Lai-Wa, où le chef de Pan-Yu nous a ménagé bon accueil.

La confédération des Dzorgué comprend douze tribus. L’autorité des chefs est médiocre : ils ne sont guère que des notables plus distingués et plus influens. Tous les chefs de famille participent aux décisions générales, telles que changement de résidence, guerre ou paix ; pour le reste, ils agissent en toute indépendance, faisant leurs expéditions de pillage sans en devoir compte à personne. À plus forte raison les liens entre les tribus sont-ils très lâches ; cependant des relations de parenté et de commerce maintiennent de bons rapports, et toutes viendraient en aide à celle qui serait attaquée ; mais cela n’oblige nullement chacune d’elles à adopter à notre égard la même attitude.

Quand on quitte les constructions préhistoriques de Pan-Yu, Tartsa-Gomba surprend comme le rappel d’une civilisation qu’on avait oubliée : son temple, ses nombreuses cellules ont un aspect ordonné et architectural. C’est notre première rencontre avec les lamas dans leur empire ; les autres voyageurs, sauf les Pères Huc et Gabet, n’ont eu nulle part à se louer d’eux, et il est probable qu’ils ne verront pas d’un bon œil l’intrusion d’étrangers. Nous pourrions passer ici sans les visiter, car le territoire de la confédération Dzorgué ne leur appartient pas, et les Nomades, quoique heureux de les avoir chez eux pour assurer leur salut grâce à leurs prières, ne leur concèdent aucune autorité ; mais il y a toujours de nombreux lamas qui circulent dans le pays, et, s’ils interprètent mal notre abstention, ils répandront de mauvais bruits sur notre compte.

Nous leur faisons donc exprimer notre désir d’aller les voir. On nous fait attendre très longtemps la réponse : une bourrasque de grêle violente tombe à ce moment, et nous restons à la recevoir, à 500 mètres du monastère d’où on nous voit très bien, sans que personne nous fasse signe de venir nous abriter. C’est seulement quand le beau temps est revenu qu’on nous invite à entrer ; l’accueil d’ailleurs est froid : les supérieurs ne