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Les chevaux de selle étaient préparés. Le Bœuf, voyant que l’Empereur souffrait, lui dit : « Ne montez pas à cheval, sire. — Non, mes soldats vont se battre, il faut que je sois avec eux. » Mais il ne put supporter le trot, et l’on s’avança au pas.

Le combat s’engagea à dix heures. Pestel, malgré ses faibles forces, nous donnant l’exemple de ce que nous aurions dû faire, ne reste pas sur la défensive derrière la Sarre : il se porte offensivement au-devant de nous sur la rive sud très élevée, occupant le Winterberg et le Reppertsberg, mettant en état de défense une maison dite Maison Rouge. Assailli méthodiquement par nos trois brigades, il se retire de l’autre côté de la Sarre en disputant le terrain pied à pied par retours offensifs. « Ils reculent ! Poursuivons-les ! » s’écrie le prince impérial exalté. L’Empereur, qui avait à ses côtés Lebrun, dit : « Soutenez-moi, Lebrun, je ne puis me tenir à cheval. » Et il mit pied à terre. « Votre Majesté paraît souffrante. — Oui, je souffre horriblement. — Votre Majesté veut-elle remonter en voiture ? — Non, je préfère marcher un peu ; cela me soulage. » Quelques instans après, il put remonter en voiture et regagna Metz où il parvint à quatre heures. Nélaton, arrivé de Paris, l’y attendait. L’illustre chirurgien resta au quartier général jusqu’au lendemain soir. « Enfin, écrit Anger dans son journal, soulageons mon cœur. Je n’ai pas trouvé jusqu’ici au quartier général un seul homme, Nélaton étant parti hier (4 août, 11 heures du soir). »

Le petit détachement prussien s’établit, sans être inquiété, à sept kilomètres au nord de Sarrebrück. Il avait perdu quatre officiers, 75 hommes tués ou blessés et cinq disparus. Frossard, laissé sans ordres, demeura sur les hauteurs de la rive gauche de la Sarre, sa gauche ayant pour appui la division Montaudon du 3e corps d’armée qui la reliait à Bazaine, et sa droite, soutenue par la brigade Lapasset qui le reliait à Failly. Son quartier général fut établi en avant de Styring, à la Brême d’Or. Il avait perdu six officiers et 72 hommes tués ou blessés. Nos troupes n’avaient tiré que sur le viaduc du chemin de fer ; la ville n’avait été ni bombardée, ni brûlée, ni même menacée du feu. Nous n’occupâmes ni ne détruisîmes les ponts, le chemin de fer et le grand viaduc par lequel la ligne de Sarrebrück à Metz traverse la Sarre, on ne toucha pas au télégraphe : nous ne voulions pas que les Prussiens fussent longtemps privés de nos nouvelles