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si ce n’était pas l’avertissement exigé par le droit des gens à l’ouverture immédiate des hostilités ? Elle n’aurait donc servi qu’à donner à Bismarck des facilités pour triompher des hésitations de la Bavière, invoquer le casus fœderis, enflammer le sentiment national allemand ?


VII

Il fallut bien pourtant se résoudre à faire quelque chose. Cette expédition sur Sarrebrück qu’on s’était tant appliqué à rogner fut l’amusement offert aux troupes. À ce moment, il n’y avait en face des deux divisions du 5e corps d’armée qu’une compagnie à Sarreguemines et quelques uhlans détachés de Sarrebrück ; devant le 2e et le 3e corps d’armée il n’y avait que trois compagnies et un escadron de uhlans ; à l’Ouest une compagnie ; au pont de Wolklingen-Wehrden trois compagnies et cent uhlans ; en arrière, à Dudweiler, un escadron. Rien autre, non seulement dans les environs, mais encore au loin. Le lieutenant-colonel von Pestel commandait ces faibles forces. Lors des premières mobilisations, le grand quartier général le jugeant trop exposé lui ordonna de se replier. Pestel demanda à rester : « Laissez-nous ici car ils ont plus peur de nous que nous d’eux, » dit-il. On le lui permit en lui rappelant la prescription, déjà donnée à tous, de se retirer devant des forces supérieures et de rendre les chemins de fer inutilisables en enlevant les rails, sans les détruire à fond et sans faire sauter les ponts. C’est contre cette poignée d’hommes que nous mîmes en mouvement trois corps d’armée avec un grand fracas de précautions stratégiques inutiles à relater, tant elles furent vaines.

Le Bœuf partit le 1er août pour Saint-Avold, accompagné de quatre officiers, après avoir convenu avec l’Empereur que celui-ci n’assisterait pas à l’affaire, puisqu’elle se réduisait à n’être qu’une reconnaissance, et que le commandement en serait confié à Frossard et non à Bazaine. Arrivé le lendemain matin, à sept heures un quart, devant la position, il faisait connaître à Frossard cette résolution de l’Empereur de ne pas venir, lorsque le général reçut de l’Empereur lui-même un télégramme annonçant qu’il arrivait. Il ne voulait pas que le premier coup de feu fût tiré hors de sa présence, et il était parti, malgré son triste état, avec le prince impérial, sans prévenir le prince Napoléon.