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avec une sévérité mêlée d’amertume. On connaît d’ailleurs notre opinion sur les obligations qui ont été imposées aux catholiques ; elle est toujours la même ; les événemens qui se sont succédé depuis la mise en application de la loi ne l’ont pas modifiée. Mais les catholiques ont dû se soumettre, et M. le président du Conseil a constaté lui-même la correction, la noblesse, le désintéressement de leur attitude. Il a d’autant plus lieu de les reconnaître que, si d’autres responsabilités sont en jeu dans cette grande affaire, on ne saurait faire abstraction de la sienne. Ses intentions n’ont pas été celles d’un sectaire ; il a cru faire et il a fait, à quelques égards, une loi libérale. Mais cette loi est frappée d’une tare originelle que rien encore n’a effacée : elle a été faite sans entente avec les parties intéressées, sans délibération d’aucune sorte avec elles, en vertu du prétendu droit du prince, conformément aux principes absolus qui ont égaré nos pères dans la voie de la Constitution civile du clergé. Qu’on s’étonne après cela de ce qui est arrivé. A peine promulguée, la loi de séparation a été frappée de caducité dans une de ses parties principales : il a suffi pour cela d’un mot venu de Rome. Ici encore, nous rendrons volontiers justice aux intentions de M. Briand, tout en regrettant qu’elles n’aient point prévalu contre une situation fausse. En ce qui concerne les églises, deux systèmes se présentaient au choix du législateur : l’un consistait à les donner aux catholiques, l’autre à en maintenir la propriété aux communes. Si on avait adopté le premier, la charge de l’entretien serait naturellement retombée sur les catholiques ; mais on a adopté le second et dès lors elle doit incomber aux municipalités. Le malheur est qu’on ne la leur a pas imposée ; on la leur a présentée comme une faculté et non pas comme une obligation. Sans doute on comptait sur le concours des fidèles ; mais qu’a-t-on fait pour activer leur bonne volonté ? Rien. Nous avons dit que, dans bien des cas, les offres des catholiques de s’associer à une dépense, ou même de la faire tout entière, sont restées sans réponse ; et la Chambre a entendu M. Augagneur demander au gouvernement de ne pas tolérer que les évêques ou les curés se servissent des églises pour une prédication ou une propagande qui lui déplairait, à lui, M. Augagneur. A cela, qu’a répondu M. Briand ? Que la loi ne permettait pas de poursuivre aujourd’hui certains écarts de parole, mais que, si l’abus se général lisait, le gouvernement saurait faire son devoir. Menace d’autant plus grave qu’elle reste vague ! M. Denys Cochin est parti de là, avec grande raison, pour montrer combien était précaire dans les églises la situation de ce simple occupant qu’est le curé. Et on veut que les