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l’auteur y a pu faire. La psychologie de tels êtres est courte : quand on a dit que chez eux le tempérament est exigeant, on a tout dit ; il ne reste qu’à le redire, et c’est le secret de ces longueurs qu’on ajustement reprochées au Vieil homme. C’est vrai enfin qu’un libertin fait beaucoup de mal et crée autour de lui toute sorte de souffrances, et mérite d’être châtié. La leçon, ou tout au moins la remarque, aurait pu avoir une réelle portée, si l’auteur avait choisi un cas moins exceptionnel que celui d’un père ayant pour fils un détraqué. On ne sait jamais ce qui peut passer par ces pauvres cervelles malades. C’est l’anormal, ce qui ne peut entrer en ligne de compte dans les questions de morale. Si Augustin eût été sain d’esprit et que son père eût trouvé en lui non un rival, mais un juge pour tant de larmes qu’il a fait verser, voilà quel eût été le châtiment, voilà ce qui eût ramené la pièce dans la voie droite et largement humaine.

L’interprétation laisse beaucoup à désirer — et ce qu’on désirerait d’abord ce serait de mieux entendre, plus facilement et plus complètement les acteurs. Ne nous lassons pas de le redire, car le défaut est maintenant général. Depuis que, sous prétexte de naturel, on a dispensé les acteurs d’articuler avec soin et netteté, ils se sont empressés de ne plus même prononcer. Ils déblaient, à perte d’haleine. Tout le rôle y passe. Le reproche ne tombe pas sur M. Tarride, qui est de tous points excellent de bonhomie, de rondeur, d’égoïsme satisfait, de méchanceté joyeuse, et dont la voix a de belles résonances. Et Mlle Lantelme rend à la perfection le personnage de Mme Allain tel que vous le connaissez. Mais Mme Simone est trop continûment larmoyante et elle a adopté une sorte de mélopée d’une regrettable monotonie. Mlle Margell se tire comme elle peut du rôle d’Augustin. On a été assez mal inspiré de faire jouer en travesti ce rôle de jeune homme. Il était inutile d’introduire encore cette note inquiétante dans une pièce qui, par elle-même, mot si souvent le spectateur mal à l’aise.


RENE DOUMIC.