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tour à tour son mari et Mme Allain. A Michel elle déclare qu’elle sait sa trahison, et que son fils la soupçonne, qu’il faut donc que le père s’éloigne, pour quelques jours, afin de ne pas irriter la souffrance de l’enfant, et, en quelque sorte, au sens honnête du mot, qu’il lui cède la place. A Mme Allain elle demande de lui devenir une alliée, d’être douce, maternelle à l’enfant… Je crains que l’auteur n’ait cru mettre dans cette combinaison, — si étrange ! — une sorte d’héroïsme, tout ce qu’il peut tenir de cornélien dans le théâtre d’amour.

Du moins, la situation étant ainsi posée, il l’a traitée avec une entière logique et menée au seul dénouement qu’elle comportât. Car tout cela ne pouvait que mal finir. Tous ces personnages se retrouvent au cinquième acte, un peu à la manière dont seraient réunis les pensionnaires d’un asile d’aliénés. Fontanet père, frappé de la pâleur et de l’air égaré de Fontanet fils, s’est senti une minute d’émotion et a tâché, par des mots vagues et de discrètes allusions, de dissiper les nuages accumulés autour de ce jeune front. Ce désaveu, ou ces aveux d’un père à son fils et à un si jeune fils, que voilà encore une conversation trouble et gênante ! Mais venons au fait. Il a été convenu que Michel prendrait à quatre heures le train pour Paris, et que, pendant cette fin d’après-midi, Mme Allain sortirait avec Augustin et commencerait à chapitrer l’enfant, comme une Warens auprès d’un autre Jean-Jacques. Seulement, nous vivons dans un temps où l’horaire des chemins de fer est très sujet à caution. Les rapides de quatre heures ne partent qu’à sept heures. L’occasion est trop tentante pour Michel et Mme Allain de renouveler la connaissance faite à la Commanderie. Rendez-vous est pris. Augustin part seul pour cette promenade dont on lui avait fait espérer que ce serait une promenade à deux, la marche vers son rêve étoile ! Il part, non sans avoir, dans un adieu déchirant à Mme Allain, mis toute son âme passionnée et douloureuse. Car il y a pour les enfans précoces, comme pour les femmes aimantes, une double vue. Et sans peut-être s’en rendre un compte exact, Augustin a deviné une trahison. Michel en effet reste à la maison, attendant la minute d’aller rejoindre sa maîtresse. Mme Fontanet est auprès de lui, flairant un nouveau mensonge, une ruse deux fois criminelle, car elle fera cette fois une victime de plus. Et voici qu’à cet orage intime répond un orage qui se déchaîne dans la nature. Le ciel s’est couvert, des éclairs sillonnent la montagne vers laquelle nous avons vu s’acheminer Augustin ; toute cette électricité surexcite les nerfs de Thérèse, dont l’inquiétude finit par se communiquer à Michel lui-même ; ni l’un ni l’autre ne doutent plus qu’un