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obligée de s’entourer des représentans de la nation ! S’il m’avait communiqué son discours, il n’eût pas prononcé ces paroles inconsidérées.

Le maréchal Vaillant, organe du parti de la guerre, engageait l’Empereur à dire tout haut le plus tôt possible : « Nous voulons le Rhin pour limite et la guerre ne finira que quand nous l’aurons obtenu[1]. » L’Empereur se garda de suivre ce conseil. Au contraire, dans sa proclamation au peuple français, il s’efforça de calmer les alarmes de l’Europe et surtout de l’Allemagne sur nos projets conquérans.

Le départ de l’Empereur pour Metz fut fixé au jeudi 28 juillet. Dans un des conseils qui précédèrent, nous complétâmes définitivement la liste des sénateurs, et, aux noms déjà arrêtés, nous en ajoutâmes de nouveaux. Des engagemens pris par l’Empereur ne nous permirent pas de marquer suffisamment cette liste de notre empreinte. Cependant, nous y introduisîmes le premier président de Toulouse, Piou, magistrat éminent, d’un libéralisme éprouvé, jusque-là traité en ennemi ; d’Albu-féra, chef de notre majorité ; Darblay, grand industriel ; Leclerc d’Osmonville, député distingué ; La Motterouge, un de nos plus solides divisionnaires ; un ancien pair de France, le comte Foy ; le directeur de l’Imprimerie nationale, Anselme Petetin, ami d’Armand Carrel et de Lamartine, esprit politique remarquable et vigoureux écrivain. La majorité fut difficile à obtenir sur le nom d’Emile de Girardin : elle ne fut que d’une voix, celle de l’Empereur. L’Empereur tint à signer tous ces décrets. Il me les remit avec recommandation de les insérer au Journal Officiel, au premier événement de guerre favorable.

Nous demandâmes aux ministres des divers cultes des prières publiques. Nous décidâmes que la garde nationale serait désormais chargée du service de sûreté et d’honneur confié jusqu’alors à l’armée, et l’Empereur témoigna, par une lettre adressée à son commandant en chef, la confiance qu’il avait en elle pour maintenir l’ordre dans Paris et veiller à la sécurité de l’Impératrice. Il eût été disposé à accorder une amnistie politique ; il y renonça sur mon opposition énergique. Outre que les amnisties ne profitent jamais à qui les fait, je me tenais comme engagé d’honneur à ce qu’il fût bien démontré, par un

  1. Note du maréchal Vaillant à l’Empereur, 22 juillet 1870.